(2020-21) Confinements
Le 17 mars 2020, tout s’est immobilisé, noyé dans un silence assourdissant. Y compris les résidences d’auteurs.
Sidération, prostration, repli, au moins dans un premier temps.
Mon corps devient subitement corps vulnérable. Abdelkhaleq Jayed.
Le confinement n’est pas une résidence d’écriture, je peine à écrire, je peine même à lire. Eric Pessan.
L’impression d’être coupée dans un bel élan commun. Irène Bonacina.
Mais aussi, parfois, opportunité de saisir ce qui ressemble au temps hors du temps de l’écriture.
Retrouver cet "en soi" qui, plus qu’un enfermement, est un approfondissement. Claudine Galea.
Sans doute le métier d’auteure prépare-t-il mieux à ce type d’exercice ? Nathalie Meyer-Sablé.
La suspension du temps est une marque de la création, ainsi qu’un thème littéraire.
Sandra Lucbert cherche la combativité politique cristallisée dans certaines œuvres. Ici le Décaméron : Florence est décimée par la peste, un groupe de sept femmes et trois jeunes hommes appartenant à l’aristocratie décident de « se retirer dans une maison de campagne pour s’y livrer à la joie ». (…) la déploration, l’affliction, l’attrition, ça commence à bien faire, elles ne vont tout de même pas attendre que mort s’ensuive, sous prétexte que c’est là le comportement prescrit aux femmes. C’est décidé, désormais on se lève, on se barre.
Sommes-nous désormais plus vivants ou moins vivants ?
Dans quel état sortirons-nous du gouffre ?
Ce que j’ai vécu auparavant en Syrie, n’est qu’une répétition de ce que nous sommes amenés à vivre en temps de coronavirus. Que ce soit à Damas, à Homs ou à Paris, il est certain que le risque nous rend plus vivants. Omar Youssef Souleimane.
Et avec toutes ces réactions diverses, voire opposées, serons-nous capables ensuite de fabriquer du sens commun ?
Cette fois-ci, on nous dit que le souci de l’autre passe par le repli sur soi. Ça fait drôle. François Durif.
Des stratégies de survie se mettent en place, fabrication de diversions, où la création retrouve son importance.
Trouver une forme, se défendre contre l’absence de forme ou la forme menaçante.
Le manque d’air et d’espace a dû créer, comme dans un conditionnement sous vide, l’équivalent de contraintes formelles. Dominique Quélen.
Bifurcations de Catherine Pinguet qui reprend et prolonge ses conférences annulées.
Bifurcations d’Amélie Lucas-Gary qui transforme, quasi insensiblement, son journal de résidence en fiction.
Le confinement est ce temps si étrange où notre présent vécu, se superpose au présent qui aurait dû être, à un futur à inventer. Fanny Michaëlis.
Même si l’inquiétude persiste, et persistera. Parutions, rencontres, festivals reportés, au pire annulés. Précarisation accrue des précaires.
Et qu’en est-il des lieux de résidence ? Certains sont en complet sommeil, d’autres au ralenti. Là aussi beaucoup d’inquiétudes, notamment autour du spectacle vivant et des librairies.
Mettre en place des ateliers à distance ?
Pas facile. Notamment avec des lycéens.
J’ai plusieurs fois animé des ateliers à distance, à chaque fois des participants disparaissent. Eric Pessan.
Mais tout dépend des circonstances :
Tandis que je poursuis mes ateliers d’écriture avec les jeunes du lycée Galilée, je me permets de mettre tous les « confinés » du monde en contact avec ces quelques poèmes écrits par les élèves. Jean D’Amérique.
Il semble évident que nous retrouverons un monde plus dur, plus injuste encore, mais ce temps de suspension, cet état littéraire d’exception rappelant le « théâtre de la cruauté » d’Antonin Artaud nous y prépare peut-être, partagés entre la nostalgie d’un avant qui ne reviendra pas, et la crainte d’un après qu’on voudrait chargé de tous les possibles.
Ça recommence
Automne 2020, rentrée délicate, puis nouveau confinement. Le temps s’étire, se distend. Autrices et auteurs essaient de faire avec.
L’année 2021 s’ouvre dans une lasse incertitude.