Des mots
« l’argent c’est la fierté
l’argent quelle méchanceté
l’argent c’est bien la merde »
(Leslie Kaplan, « Cafés parlés »)
Partout autour dehors, il y a l’argent. Et puis il y a
« Il y a un trou dans le tissage des mots un labyrinthe
c’est par là qu’on se sauve et qu’on est sauvé je suis incorrigible
c’est sûr je mourrai en croyant à la vertu des phrases ouvertes . »
(Ces mots sont de José Lapeyrère, qu’on remercie pour, et François Bon avec, qui lui rend un juste hommage.)
Il y a les mots oui et leurs pouvoirs, multiples et compliqués :
« Et les mots gravés dans le bois nient la vie pour ne laisser que des mensonges. Les mots choisis par ceux qui meurent rarement sur les champs de batailles, elle n’en veut pas », leur affront aussi, à tenter d’enfermer ce qui s’échappe, comme le Général Instin (qui vous est plus amplement présenté, en revue de détail ici).
Les mots qu’on se partage avec ce qu’on ne saurait nommer, qu’on ne nommera pas Ennemi, qu’il faut pourtant nommer, tenter de, continuer. Mots : ceux dont cela voudrait proscrire l’usage, comme le mot « exploités » : mais, qui résistent « Les mots existent parce que la réalité existe. »
Et « Écrire comporte une certaine conception du politique. La mienne c’est celle que j’attribue à Kafka. On est là, dans le monde. On n’y coupe pas. » Mots et pensées avec et pensée des mots, heureuse présence heureusement massive de Leslie Kaplan qui rythme nos lectures du site, en ces moments, ainsi :
« Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme : "Ce qui, dans le monde non totalitaire, prépare les hommes à la domination totalitaire, c’est le fait que la désolation qui jadis constituait une expérience limite, subie dans certaines conditions sociales marginales, telles que la vieillesse, est devenue l’expérience quotidienne de masses toujours croissante de notre siècle. " »
La question réside dans les mots, à quoi pas de réponse puisque la question ne se formule pas comme ça, et que la réponse s’il en est c’est chercher, dans… les mots : « La littérature crée des objets qui sont porteurs d’expérience, de dialogue, avec soi-même d’abord et avec les autres, de questionnement, de pensée. Quelle pensée ? Une forme particulière de pensée, une pensée concrète, une pensée avec les mots. Pas avec des concepts, pas avec des images, avec des mots. »
L’actualité dans remue.net avec Leslie Kaplan en métronome déréglant, c’est aussi, c’est encore un extrait du Livre des ciels, une contribution au colloque Blanchot de Beaubourg, en 2002, ou cet article intitulé « Qui a peur de la fiction ? ».
Mais on peut lire aussi sur remue.net
« On sait compter : nos mots à votre bouche » - de leur bouche associée, Hung et François Rannou, dialogue ininterrompu entre images et mots ;
arts plastiques encore avec Catherine Pomparat qui fouillant la toile y trouve traces de Raymond Roussel.
Et mots de la littérature quand Jacques Josse se penche sur Imre Kertesz : « Tout en moi est immobile, profondément endormi. Je remue mes sentiments et mes pensées comme une benne de goudron tiède. Pourquoi est-ce que je me sens tellement perdu ? À l’évidence parce que je suis perdu. ».
Et ça donne le vertige, à force de mots parfois,
« quand même le vertige. n’arrêter. à jamais et à rien. »(Claude Favre),
un vertige qui nous reste face aux immensités déferlant de langage – pas mieux alors avec que sans ? « Dans un cerveau sans territoires, sans obstacles ni intervalles, je me demande quelle est la nature des matériaux de construction de la pensée »
mais :
s’agite-t-il encore d’être mieux, quand il nous coûte tant d’être simplement là,
et qu’on réitère
encore,
inlassables pianoteurs (euses) de ce qu’on pourra de nos mots à nous,
car il demeure, à voir, à lire, devant :
(avec Leslie Kaplan, encore) :
« le ciel, ses stries. Rien ne nous protège de sa beauté. Tout vouloir ».