L’eau à la bouche
Ça parle d’eau, de mer et de voyage. Ça parle d’écrire, de lire, de dire, de traduire. Ça parle de récits, de poésie, de roman, de nouvelles. De théâtre un peu, de biographie et même de bibliographie.
C’était juillet sur Remue. Et c’était l’été. Qu’on attendait.
D’abord deux dates.
L’une pour rattraper si on a raté :
coordonnée par Sébastien Rongier, la nuit remue 6 du 16 juin dernier est en ligne ici. On peut y entendre au choix le résumé de l’ensemble de la soirée en une vingtaine de minutes ou chacune des interventions dans son intégralité. Saluons au passage le travail de vidéaste de Marjolaine Grandjean qui réalise un grande partie des captations video pour Remue.
L’autre, parce que jusqu’ au 14 octobre 2012, il est encore temps d’aller visiter l’exposition consacrée par l’IMEC aux mobilisations que la guerre d’Algérie provoqua dans le paysage intellectuel français. (On peut préférer se procurer Engagements et déchirements, le catalogue.)
Ensuite, on se prépare à Finir le boulot (Fabienne Swiatly), on fait l’inventaire de ses Agacement mécanique (Olivier Hervy), on se déprend, ou pas, des rets du Général Instin
Vous vous cachiez.
Dans ce placard vous vous cachiez. Dans ce petit réduit de cuisine où vous rangez vos épices et vos petits secrets. Vous tremblez semble-t-il. Je ne vous vois pas mais je le sais. Vous vous faites plus petite, vous voudriez vous tapir, vous confondre avec l’encoignure sombre du fond de votre placard, mais de vous dépassent encore toutes ces rondeurs, qui m’appellent.
(Cécile Portier, Ode à la femme de l’ennemi)
Puis, on "ouvre toutes les fenêtres à l’air nouveau et au bel air" (Lou Raoul, Else avec elle), celui où se déploie l’envie de départ, L’Envol des échoués (Elsa Frering).
Le camion suffoqua, s’ébranla et se mit à courir après la route qui s’enfuyait devant lui, épris lui aussi d’un soudain hargneux et puissant besoin de liberté
Alors on monte au phare d’Ar Men où l’on croise Jean-Pierre Abraham venu rédiger son Journal d’hiver ( "Pour voir la mer, il faut partir des pierres sans doute"), on suit Charles Madézo dans son Éloge de la godille qui voit dans le signe de l’infini, ce "huit couché" « exactement la figure qu’amorce la rotation des poignets sur le manche ».
Téméraire, on se lance ensuite en pleine mer avec les aventuriers de MEDEA du Soundwalk Collective sur un texte d’Arthur Larrue, lu ici par par Claude Favre.
Avec des bruits, des voix, des souffles, des murmures. Qui donnent à rêver.
Et des bouches plausibles qui tintent aux oreilles, tout un corps d’histoires.Bouches de corps qu’on ne voit pas, peut-être devinés.
Comme ceux qui, de dos, ne nous regardent pas.
Corps d’hommes, cela veut dire de femmes.
Soundwalk collective contredit Apollonios de Rhodes qui dit tu vas mourir Médée.
Médée prend la parole, Médée est toutes les femmes.
Non plus la femme trahie, défaite. Mais la femme qui choisit.
Voyager, naviguer, voler, parfois tomber...
atterre
ici la chute
en cours au moment
précis où nous parlons en ra
joutons jetés
à terre
(Bruno Fern, Suite dite des conseils divers)
... retomber sur ses pieds et rester là, debout, le temps d’une journée habitée par la poésie
tient debout tient
dans la verticale
des jourstient d’une horizontale
à l’autrese lève se dresse se redresse
va jusqu’à
s’épuise et se couche
s’étend s’endortquelques pas
entre matin et soirle temps d’un chant
(Michaël Glück, quelques poèmes plus tard,
...ou reprendre la route vers la Roumanie avec la revue Brèves, "anthologie permanente de la nouvelle ", vers les terres nordiques où nous entraine Lou Raoul
(Else avec elle) ou en Chine avec Liao Yiwu dont les Poèmes de prison. évoquent les heures sombres de la répression quand il écrivait : "J’expérimente à tout prix l’extrême de mes possibilités".
Enfin, on peut choisir de refaire le voyage à Silling avec Sade qui prépare ses "120 journées" ou s’embarquer pour une traversée du temps avec Ouverture qui réunit trois romans de Jean Thibaudeau, un auteur que Dominique Dussidour invite le lecteur à (re)découvrir, livrant au passage une exquise leçon de grammaire sur la conjugaison et le temps du roman.
Et sur ce, voyageur immobile ou voyageur à roulettes, bonne route et que l’été, ou ce qu’il en reste, vous soit favorable !
©photo-fabienneswiatly