Et vous, qu’en faites-vous ?

©SR



Que faisons-nous de notre langue ?

C’est une des questions que la littérature se pose, nous pose. C’est une des questions que l’actualité nous pose (mais qu’elle ne se pose pas) : du sordide ordinaire au sordide politique (qui n’est pas extraordinaire), notre langue s’en prend de sacrés coups… mais parler de la langue c’est aussi parler de la langue comme pensée. Le bruit de fond du monde comme dirait Don DeLillo finirait presque par imposer l’idée d’une pure présence, d’un présentisme dévorant tout ce qui ne serait pas lui-même. Et de finir par croire que l’actualité existe, qu’elle existe dans et par une langue gelée, réduite à sa plus simple convention puisqu’aucune phrase, puisqu’aucune parole n’auraient de sens ou de crédibilité sinon dans le rebond incessant de l’actualité.

Alors le souvenir de ces phrases [1]

« A quel moment on a su que ce pays n’avait plus de langue ?
Tu pouvais parler quand même, sûr : simplement, qui écoutait, qui répondait ?
On était sur des chemins parallèles : bien sûr, tout continuait. Ça parlait autant, ça parlait pareil. Peut-être même encore plus fort.
Ce pays n’avait plus de langue, et rien n’avait changé. » François Bon [2]

Et pourquoi tout cela ? Qu’est-ce qui a bien pu déclencher cette petite note introductive ? Une réflexion de Philippe Rahmy sur cette tension de l’écriture et un questionnement à rebours c’est-à-dire la possibilité de s’offrir un peu d’auto-réflexion critique, c’est-à-dire une capacité à prendre en charge, à interroger son propre impensé : « De la nécessité d’écrire des choses qui donnent le sentiment du ratage. » il dit, il écrit Philippe Rahmy. Et cette pépite fait écho à cet extrait de Tumulte, un livre et une aventure de l’écriture sur internet.

En ce sens remue.net n’a d’autre actualité qu’un caractère intempestif de plus en plus affirmée.

Allez donc lire les dernières chroniques de l’ami Rahmy : outre « Il ne suffit pas de bégayer – », on découvrira également « Afghan Jam », texte inédit.

Allez donc à la rencontre des inventions de Dominique Quélen, histoire de voir comment l’écrivain tord et tortille le langage. Ce texte inédit intitulé « Des second & premier » est présenté en deux parties :l’une est ici et l’autre est ici.

Tabassé – Terme jamais employé pour. Cas où rien ne doit dépasser ni sortir. Ex. : la figuration (ou représentation) d’un corps, des vases, un étouffement, à boire ou je tue le chien, etc.



Du côté du Général Instin s’est ouvert un nouvel espace littéraire porté conjointement par Alain Subilia et Dominique Dussidour.

Rappelons les faits :

Une certaine nuit de mai à Paris, entre le cimetière de Belleville et la place d’Italie en passant par la gare d’Austerlitz, un nouveau visage du Général Instin a fait son apparition – magique, matérialiste.
Que nous signifie la main qui a dessiné ces marques sur la chaussée, ces lignes sur les murs, ces cercles de densité et d’ubiquité ? S’adresse-t-elle à nous ?

Nous avons investigué : relevé des traces selon la technique photographique, lecture selon la technique géomantique.

Semaine après semaine vous prendrez note des courants, passages, images qui composent ce portrait que le Général Instin a bien voulu nous accorder. Chaque lecteur en jugera d’après soi, après interprétation.

Alain Subilia & Dominique Dussidour.



Chaque semaine se déploie donc un nouvel épisode de cette géomantique littéraire à deux voix l’une littéraire et l’autre photographique.
On lira donc de nouvelles percées dans les lignes tracées du monde, de l’écriture et de l’image.

D’Alain Subilia, on lira-verra To be a carillonneur 2, 3 et 4

Et en lecture parallèle de Dominique Dussidour :
Les deux témoins, le témoin pour/ le témoin contre, et leurs figures
Quatre maisons mères et leurs quatre figures
Quatre maisons filles et leurs quatre figures
Quatre maisons nièces et leurs quatre figures


Parmi les textes inédits de la revue, on pourra découvrir

Stéphane Page : Points de vue. Belle rencontre d’un texte dense qui pousse des blocs de texte vers le tourbillon (sec) de la langue. Extrait :

je viens d’un cercle neutre qui se propage. l’absence, le doute, le silence, voilà comment une chimie se prépare. des gosses emmitouflés sous un foulard jettent des pierres sur une cuirasse d’acier, et le soleil décline, depuis des millénaires. avant que la chronique ordonne le vacarme, c’est le fond d’un récit, unique, où les choses s’inscrivent dans l’ordre de leur apparition, donnant sa forme à la syntaxe



Marc Perrin : Avoir lieu. Et une autre manière de dire l’événement, d’écrire une langue de l’Histoire qui appartiendrait à la littérature. Extrait :

Je pense. À un pays devenu infréquentable, et que nous continuerions de fréquenter. Je pense. À certains corps qui deviennent fous : afin de pouvoir continuer de vivre dans l’infréquentable.







Je pense. À la folie. Et à l’amour.







Je pense que dans un monde devenu infréquentable la folie et l’amour sont les derniers lieux du possible pour nos vies.



Parmi les chroniques régulières de remue.net, celle de Catherine Pomparat qui propose une nouvelle « Petites philocalies de l’art ».
Cette « théorie des sacrifices » qui d’un crâne de Laurent Le Deunff au bestiaire étrange de l’artiste, est une invitation à valser.

Quelques invitations à lecture :

Jacques Josse nous propose de relire Jack Kerouac et de découvrir Treize nouvelles d’Alain Roussel dans Que la ténèbre soit !.

Jean-Marie Barnaud nous donne des nouvelles de Philippe Jaccottet et nous invite à découvrir le mystère d’une langue, celle d’Évelyne Encelot et le livre A partir d’écrire.


Quelques nouvelles amicales car c’est aussi d’amitié qu’il s’agit dans ces affaires de langue et de littérature...

D’abord Le Cheyne fête ses trente ans. Quelques réjouissances pour prolonger les livres.

Ensuite, la cinquième livraison de la revue d’Ici là, animée par Pierre Ménard.

Enfin, comme un effet de boucle, d’écho, occasion de saluer la peau neuve de publie.net et de rappeler les liens amis sur remue.netou sur le tiers livre.

Un très bel été à tous et à toutes

PS : les bobines de la nuit remue 4ème édition commencent à se lire (avant d’être prochainement à l’écoute).
On peut dès à présent retrouver sur remue.net
Des extraits de L’Effigie (inédit) de Jean-Marie Barnaud
Des extraits de La Langue maternelle de Marie Cosnay

Second Post-Scriptum : remue.net reste ouvert tout l’été !


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5 juillet 2010
T T+

[1qui seraient comme un clin d’œil amical et littéraire au retour continental de son auteur

[2Tumulte, Paris, Fayard, 2006, p. 9.