Une année possible, un lieu probable

... mai..? Sur remue.net, ces dernières semaines, des souvenirs, des évocations, des regards sur un certain mois de mai, et une actualité vivante de lectures, de textes inédits, petite traversée des dernières mises en ligne :

Mai 68, en Corée : « La guerre froide avait divisé le pays en deux quelques années auparavant et la misère régnait. », Yun Sun Limet est née au printemps 68, il n’y a pas eu de printemps de Séoul, elle n’a rien vu de mai 68, elle a survécu.

Mais 68, c’est aussi dans le quartier latin, et par les yeux d’un enfant : "Je m’attendais aussi, conformément à mes souvenirs des Misérables, à des patrouilles d’insurgés campant ou surveillant leurs fortins. Mais les barricades apparaissaient désertes, abandonnées de leurs constructeurs comme la rue l’était du trafic automobile. À croire qu’elles avaient poussé là toutes seules, pour le décor", écrit Olivier Cazeneuve.

Autre terre, autre regard, autres souvenirs, ceux que José Morel Cinq-Mars retrouve, loin des pavés, des barricades : "En mai 68, je suis là, mais je ne suis pas ici. Je veux dire, je suis là dans le monde, mais pas ici à Paris, ni même en France. Ce mois-là, et toute l’année d’ailleurs, les années précédentes aussi bien, et celles qui suivraient encore, je vis à Montréal,"

En Asie, un peu plus vers l’Orient, un dimanche d’un autre mai, un homme, après la croisée de chemins partant vers les quatre points cardinaux, aperçoit clairement un vieillard aux cheveux blancs ; il s’avance, ce n’est pas un vieillard mais un ancien camarade d’école – qui, sans nul doute, a moins de cheveux blancs que lui – et ceci « sous une pluie de pétales ». Un deuxième extrait de la traduction par Véronique Perrin de ce magnifique roman-déambulation de Furui Yoshikichi montre les deux hommes marchant en ville et échangeant sur les traces de leurs souvenirs.

Il est né ailleurs et, lui, n’est pas certain d’avoir survécu à sa naissance et marche lui aussi, le poète de la vingt-cinquième nuit d’été de Pedro Kadivar.

Juin, ensuite : les derniers mots de l’objet-livre de Pierre Alféri sont « un matin de juin on trouva ». La mouvance tout autant de l’animal-poulpe et du chant d’amour est rendue par une lecture étonnée et aimante de Catherine Pomparat, qui inscrit, au cœur de son article, la question : Madame l’estomac des poulpes est étonnant le saviez-vous

Si 68 appartient au XXème siècle, Cécile Wajsbrot , qui répond aux questions de Pierre Cendors, rappelle fort justement que c’est désormais au XXIème siècle que nous vivons, « et c’est comme si personne ne s’en était aperçu » : c’est ainsi qu’elle explique que son dernier roman, Conversations avec le Maître, est aussi une conversation avec le siècle désespérant mais aussi dépassé de Cioran, un passage difficile et une ouverture sur l’espérance, un appel du large.

Les Honneurs funèbres racontés par Danilo Kis sont aussi un appel au large, qu’importe dans quel port ils furent rendus et quand :« Votre modestie, Danilo Kis, votre orgueil d’écrivain est de croire qu’il en faut peu, très peu, une année possible, un lieu probable, pour raconter l’enterrement d’une prostituée par les marins qui l’ont aimée ». Et ceci nous emporte vers d’autres marins et leur langue.

Ce sera alors par exemple Le Chemin des écluses de Lionel Bourg, une lecture de quatre-vingt kilomètres d’« eaux captives » qui, de Rennes, passant quarante–huit écluses vont rejoindre la Manche. Ou bien une lecture de combien d’obstacles, combien de heurts d’enfance dans les romans de Jean-Yves Cendrey ?

Encore des lectures : Sébastien Rongier a lu Madman Bovary, revisité par Claro, et n’en… revient pas :
« Et soudain, comme pris dans un tourbillon, un appel d’air comme un voyage fantastique, le lecteur en Madman Bovary est littéralement aspiré par Flaubert lui-même. Ça y est. Soudain on est dans Flaubert. Nouvelle aventure intérieure. On est embarqué. »

Dans la revue de printemps, Hung et François Rannou poursuivent leur aventure à quatre mains, l’un envoie ses images à l’autre qui les légende, d’une légende qui ouvre, questionne, écarte les certitudes.

Françoise Ascal ouvre les portes de son « atelier intérieur » que peuplent les images de peintres aimés, et nous entrons avec elle au Camp des Milles, sur les traces du peintre Alfred Wols.

Pour finir nous vous rappelons nos deux prochaines rencontres de mai, au centre Cerise :

Le Vendredi 16 mai à 20 heures :

Passer la nuit : la poésie comme entretien, rencontre de Gérard Haller et de Jean-Luc Nancy autour de Fini mère de Gérard Haller (éditions Galilée).

Et le vendredi 30 mai à 20 heures :

Le silence comme rencontre : Jean-Marie Barnaud et Philippe Rahmy évoqueront, au cours d’un entretien ponctué par la lecture d’extraits, les sources auxquelles ils se réfèrent et qui les rassemblent.

Nous espérons vous y retrouver nombreux.

Pour remue.net,

13 mai 2008
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