La lettre de janvier
Circulations et langues : de Saint-Florent où patiente la maison de Julien Gracq aux abris blindés de Tel-Aviv, en passant par la rue Vide-Gousset du Paris de Madame Duclos et par une ville étrangère, Londres, Berlin ou Utrecht.
Circuler dans les articles de décembre 2012 de remue.net nous mène de lieu en lieu et de langue en langue.
Pour Jean-Marie Barnaud, navigateur de l’âge, l’altérité est irréductible : on suit un « type » qui déambule et demande « Vous me donnez quel âge ? », un écrivain dans une « maison lointaine », enfin on remonte le fleuve, on rêve, on superpose les temps et on se baigne deux fois dans le même fleuve, dans l’entretien qu’il a avec Dominique Dussidour à propos de la parution de L’Effigie et autres carnets.
Le fleuve se dédouble et on suit alors la nouvelle chronique de Yun Sun Limet, In Situ, qui nous mène de l’extérieur à l’intérieur, et de Paris vers une ville étrangère, Livraison I puis Livraison II : s’écrivent dans la colère, ensemble et en fragments, la réflexion sur la maladie qui opère dans le corps et des textes face au monde et ses événements - c’est un travail en cours.
Le travail s’absente de la maison de Julien Gracq : c’est l’hiver à Saint-Florent, en pays de la Loire : Cathie Barreau, Nomade (qui) cherche terre revient de Sabra dont elle note l’odeur de thym. Plus tard, elle s’absente, la maison de Julien Gracq patiente, et nous entendons « dans la fureur des rues de Chatila » ces mots : حياة جميلة ناعمة بلدى
Qu’entendons-nous, que voyons-nous à Tel-Aviv ? Abris blindés et explosions, le 22 novembre 2012 – d’où s’échappe la voix lyrique de Sabine Huynh dans un texte en deux parties, magnifiquement intitulé La vie de nos yeux 1 et 2 - de Saïgon en 1972 à Jérusalem en 2001 puis à Tel-Aviv depuis 2008 : « Œil pour œil dent pour dent : cette expression horrible et idiote me blesse au tournant d’une lecture ; qu’est-ce qui peut bien être vu comme légal dans la loi du Talion ? Comme le pensait Gandhi, à force de s’arracher les yeux, le monde finira aveugle. »
C’est le général Instin qui nous délivre un temps de la tragédie pour une turpitude : acceptons d’entrer dans une garçonnière où nous conduit le texte de Christophe Caillé, La météorite d’Orgueil. La météorite tombe, comme tombent les H, vous savez :« oneur et boneur se sont éteints ensemble ».
Ni H, ni honte dans le chantier en cours Sade écrivain : allons tout d’abord « hors de France, au fond d’une forêt impénétrable, au-delà des montagnes escarpées... » : nous y apprendrons que Sade pensait avoir perdu le manuscrit des 120 journées de Sodome ou L’école du libertinage. Puis
parcourons le Paris de Madame Duclos et autres lieux des historiennes.
La circulation reprend de lieu en lieu, de langue en langue, de livre en livre. Allons
À Bayreuth, où meurt Helene Reimann en 1987 : on a lu, lisez donc Les dispositions de la loi de Dominique Quélen : « quel titre étrange, que veut-il dire ».
« Dans les entrailles de l’océan », « entre les rouleaux compresseurs de l’Atlantique » avec le recueil de poèmes d’Alain Jégou, Une meurtrière dans l’éternité.
Aux rivages inquiétants de la souffrance avec L’Enfer musical et Cahier jaune de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik (traduction Jacques Ancet).
Dans Paris 1926, La société de minuit vue par Ludwig Hohl, « fils de pasteur, né dans le nord-est de la Suisse » .
Sur le chemin de La Chèvre noire de François Rannou chez publie.net. À l’écart de ce chemin, François Rannou nous laisse … déviés par le vent, poème hommage à Paul Celan en écho à celui de Joël Vernet, L’Adieu est un signe.
Sur un stade où il n’est « plus besoin d’adversaire », où « les tribunes se vident » pour une Course à l’échalote écrite par Cécile Portier.
« Là où ailleurs »,« toujours avant l’origine », en lisant Le livre d’El-d’où de Caroline Sagot Duvauroux.
Avec Topiarius & Topiaria de Catherine Pomparat, qui passe en revue les poèmes de la revue Assaut, second numéro, superposés sur papier blanc et papier calque.
Au cœur d’une autre superposition, celle des poèmes d’Ariane Dreyfus, nous nous attendons et des tableaux de Gérard Schlosser : « chaque poème est devenu lui-même un tableau vivant, une scène ».
Sur les Planches de Rémi Froger : superposition de poèmes et photographies ?
De tous ces textes, nous sommes spectateurs : Christian Ruby nous donne l’ Introduction à La Figure du spectateur, qui vient de paraître aux éditions Armand Colin.
Voilà donc les multiples circulations que remue.net vous a proposées en décembre 2012. Peut-être alors vous demandez-vous si les écrivains sont des gens brouillons. Ils vous donneront des réponses et vous feront voyager encore si vous écoutez la rencontre organisée le vendredi 30 novembre 2012 au Centre Cerise par remue.net et la Scène du balcon.
Que l’année 2013 soit belle pour tous - en lectures, en rêves, en rencontres.
Nous vous attendons le vendredi 25 janvier au Centre Cerise pour une soirée consacrée à publie.net, le contemporain numérique.