Un temps de Cerise

À bientôt 18 heures ce samedi 20 juin 2009, je suis arrivé à Paris centre, métro arrêt Étienne Marcel, rue Montorgueil, bondée comme un samedi de juin à 18 heures.

Je suis arrivé, chargé et essoufflé comme seuls les provinciaux un samedi de juin, au centre Cerise. Il y avait bourse aux vêtements, au rez-de-chaussée.

Pas de quoi faire le voyage en train, pas de quoi s’essouffler, suant lesté sous le cagnard, sauf que : au premier étage dudit Centre Cerise jouait une tout autre musique.

La nuit remue, troisième du nom, fut belle comme les première et deuxième éditions. Et fut copieuse autant, et divisée en trois sets cohérents et variés – et l’asso qui fait ce site remercie les remueurs Sébastien Rongier pour cette intelligente et fluide programmation, et Fred Griot, technicien attentif et polyvalent (même nanti d’un fil, d’un scotch et d’un bras bien cassé).

Bientôt vous pourrez écouter, sur le site, toutes les lectures (ou presque) de José Morel Cinq Mars, Marie-Laure Hurault, Fabienne Swiatly, Vincent Tholomé, Frédéric Laé, Claro, Laure Limongi, Yun Sun Limet (vidéo), Claude Favre & Yann Fery, Bruno Fern, Cécile Mainardi, Martine Drai, Joseph Mouton, Fred Griot & Yann Fery, Sylvie Gracia, Michaël Batalla, Olivia Rosenthal, Guénaël Boutouillet, Armand Dupuy, Jean-Michel Defromont


Les nuits remue.net, comme nos rendez-vous réguliers avec la Scène du Balcon, sont l’occasion d’échanger en chair et os, avec ceux qui font vivre ce site (et le nourrissant, en le consultant, les deux endroits comptent et souvent permutent, se mêlent).

La revue et son cahier de création, orné toujours des images de Philippe de Jonckheere, accueillent en ce mois de juin :

Jean Renaud, à propos de Nicolas Bouyssi : « Il est d’un temps — comme on sait — où il n’est plus guère question de le transformer ("le monde", ndr) et où les modèles communs de la réussite peuvent paraître répugnants. Reste, dès lors, à exercer une pensée libre, souple, sensible à la nuance, qui permette de respirer. Cette pensée, c’est la littérature. »

Bernard Noël, à propos de Jean Renaud : « Comment se révolter contre cela même qui nous fait concevoir notre révolte ? Il y faut une obstination dont Jean Renaud écrit la fable dans ce roman, L’Amour exaspéré. Pour franchir la séparation, il est indispensable de dévisager son abîme jusqu’à en faire la distance « à la fois infranchissable et nulle ». Et pour cela, rien d’autre à faire qu’exaspérer la puissance nominative du langage en jouant de sa crudité, de sa vulgarité, de sa grossièreté, bref de son obscénité. »

« mangent les gros et apories les phrases qui commencent les phrases qui ont une subordonnée qui ont des questions à cet égard maestria énigmatique » : Claude Favre, avec « Risque de chute des matériaux et effondrement des ouvrages »

« Fourrage, et fourré. Tout ceci reste dans les limites de l’obscur – et elles sont vastes. L’obscur est sans limites », écrit Shoshana Rappaport-Jaccottet.

Anaïs Escot, reprend, dans épuisement du sol  : « et ils se sont mis à aimer ces bords, ces franges du champ, c’était là les couchants de feu rose, les vents piquants et les pommes de pins, le bois facile, les champignons et les fraises des bois, toutes ces choses qui n’étaient pas l’Eldorado mais qui changeaient de d’habitude et qui leur faisaient penser à l’écume de l’océan sur la plage d’amarrage parce que c’était ce qu’il avait à eux, de reste, et qu’il n’y avait jamais que le bord que l’on pouvait embrasser. »...

À quoi semble répondre le récent « Terreferme » de Jean-Pascal Dubost, à l’idée bleue, présenté en ces termes par Jacques Josse : « Un livre plein d’herbe, de terre, de tuffeau, de schiste noir, d’odeurs, de cadastres, de boue, de borriques débondées et de cidre frais, un livre que l’auteur, qui parle de « paresse travaillée », verrait bien étincelant de « bouésie »

Mais comme c’est l’été déjà, le même Jacques Josse nous présente également les iodés L’éloge de la palourde de Marc Le Gros, réédité à L’Escampette et Plage de Robert Steiner, aux éditions Cambourakis.

« De quelle nature est l’attente qu’un roman provoque dans le lecteur : est-elle de la nature de la résolution », interroge Dominique Dussidour, dans son bel article de triste actualité « Ténèbres et révolution, les leçons de Hossein Tanzifi », à propos de Les Mystères de mon pays, roman récemment traduit du persan de Réza Baraheni.

« Chers amis, je voudrais vous parler de Soeuf Elbadawi, un ami de longue date, écrivain et directeur d’une compagnie de théâtre », nous écrit Jean-Luc Raharimanana, et ça nous dit aussi, encore, que cette discrète agitation qui est celle de remue.net (écrire, échanger, ne pas lâcher) garde une importance, tout aussi discrète, mais… cruciale.

Les chroniques régulières aussi abondent en neuf, du neuf plastique, lumineux  :
« redescend / la lumière / du printemps / on / traverse /à l’aplomb / l’air tremblant », écrit ? dessine ? Frédéric Laé. « On ne peut jamais voir d’où vient la lumière », répond Catherine Pomparat.

Et pour les Parisiens, on signale, il est juste encore temps,

De la montagne et de la fin de Marina Tsvetaeva d’après la Correspondance avec Constantin Rodzevitch, traduction & adaptation Nicolas Struve, à la Maison de la Poésie de Paris,

et ces lectures de quelques auteurs de confiance, au 104, ce dimanche 28 juin à 17 heures.

Lisez aussi la revue N4728, jamais avare de révélations de jeunes auteurs-et-e-s, puis nous pourrons laisser le mot de la fin à Jean-Marie Barnaud (à propos de Peter Huchel) :

« Oui, peut-être est-ce là la fonction du poème ; faire advenir, contre la mort qui vient toujours, ce qui toujours la nomme, et cependant nomme la vie ».

Vous souhaitant déjà un bel été, que nous continuerons de nourrir par l’écran.

25 juin 2009
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