Disparition et réapparition : remue.net en janvier 2014

LES VŒUX DE REMUE.NET À SES LECTEURS

L’ensemble de la rédaction de remue.net se joint au Général Instin et vous invite à ne pas manquer les Dernières avancées de la recherche quant aux réalités de la vie en Général, grâce à Marc Perrin :
« Hamma Ana et moi → on ne fait pas trop les marioles because on est en cours d’apprentissage → et → mais → on vous souhaite une super année 2014. Générale. »

Nous vous souhaitons à vous aussi, quel que soit votre âge, de découvrir l’existence des étoiles, des larmes, d’une porte toujours possible et d’un big-bang aux yeux bleus ou noirs ou comme il vous plaira.

Et nous vous invitons jeudi 13 février à la fois à la bibliothèque Marguerite-Audoux et sur le Textopoly

ROMANCIERS ET ROMANS

En ce début d’année, nous devons conjurer notre tristesse car le 10 janvier 2014 Dominique Dussidour a mis fin, provisoirement, au Chantier Sade ouvert en février 2012 : avec la déclaration « Je veux, en un mot, être libre ou jugé » nous prenons acte de la mort de Sade le 2 décembre 1814, nous comptons qu’il fut détenu 40 ans 4 mois et 5 jours, nous apprenons qu’il fut inhumé religieusement, et nous nous demandons si son crâne a été emporté en Angleterre. Cependant, réjouissons-nous : on sait déjà par indiscrétion que le Marquis, lui, reviendra sous peu pour répondre aux propositions de Cécile Wajsbrot et Dominique Dussidour sur ce qu’est écrire un roman aujourd’hui.

À l’encontre de l’idée désespérante et répétée de la mort du roman, remue.net a ouvert ce dossier réjouissant sur le roman qui a reçu de premières contributions :

« le saut du roman m’a toujours paru évident », répond Leslie Kaplan qui cite Kafka.

C’est évidemment en romancier post-exotique que répond longuement, précisément, généreusement Antoine Volodine, qui, dans un premier temps, affirme que « les expériences littéraires gratuites ont toujours ennuyé » les auteurs post-exotiques et explique que le sous-titre de genre rapprochait trop dangereusement leurs livres de la littérature officielle. « Il s’agit pour nous, écrit-il, de jouer avec la palette magnifiquement variée des formes romanesques. Ce qui peut s’imposer à nous, c’est, alors que nous avons déjà des images d’un monde à visiter, avec des personnages et des voix qui se rassemblent pour dire, hurler et murmurer une histoire, ce qui peut s’imposer à nous est une structure post-exotique précise ». Dans un deuxième temps, il présente la « figure de l’écrivain » qui, pour les auteurs post-exotiques, « est celle d’un déguenillé inconnu en train de mourir ».

Marie Ndiaye répond : « Je suis une lectrice avide de romans que je ne pourrais pas écrire » .

Pour Patrick Roegiers « le roman est le socle de la réinvention du monde ».

Cécile Wajsbrot conclut qu’« il n’y a pas de règle » à l’écriture d’un roman.

Pour Éric Faye, « le roman est un chantier pharaonique ».

Linda Lê cite les Surréalistes et attend du roman qu’il « repassionne la vie ».

Et Daniel Arsan de provisoirement conclure : « Écrire un roman au XXe, au XXIe siècle, mais oui, plus que jamais, tout est possible, tout est à tenter, les genres s’entremêlent, les rives s’épousent, les forêts sont des villes. La bâtardise est un signe royal. »

Dans un entretien accordé à Dominique Dussidour à propos de la revue L’Atelier du roman qui a fêté ses vingt ans d’existence, Lakis Proguidis fait le lien entre le roman et la société : « Le roman n’est pas le fait d’un individu qui se découvrirait des aptitudes particulières à une nouvelle forme de narration. Il répond au désir d’une société qui a besoin de cette forme, la forme romanesque, pour se dire, pour s’exprimer, une société qui attend qu’on raconte son histoire de cette façon-là, par le biais du roman, même si elle n’en avait pas clairement conscience auparavant. » 

Dans le cahier de création de la revue d’hiver, deux extraits de Forêt contraire, roman d’Hélène Frédérick, à paraître le 6 février aux éditions Verticales, entremêlés de notes de travail contenues dans un carnet moleskine. Le premier s’interroge : « Ai-je le droit d’invoquer la pensée de gens que j’ai abandonnés ? » Le second révèle : « J’essaie d’écrire un livre sur quelqu’un que je ne connais pas. En réalité, j’écris pour tenter de le connaître. – Il ne serait pas plus simple pour cela d’aller le rencontrer ? – Impossible : il s’est suicidé il y a * ans. »

Vous aurez compris que le roman n’est pas en disparition, encore que Jean-Marie Barnaud livre une relecture de Tramway de Claude Simon dont le premier titre était Transit, le dernier passsage, « la mort partout annoncée dans ce texte » s’affiche comme roman.

DISPARITION

Début janvier, Sébastien Rongier remarque et photographie sur un banc déserté un sac, un vêtement, une boîte-à-chaussures. Il propose qu’on écrive avec cette photo et ce mot, « disparition » : Philippe Rahmy raconte une histoire et finit allégrement ainsi : « Un jour, elle disparut pour de bon, laissant toute sa fortune sur un banc public moche comme un monument aux morts, un coffret de santal, cercueil de sa dernière fausse couche, son sac plein d’argent et son petit chandail bleu. »

« Tu vois, j’ai jamais su regarder », commence José Morel Cinq-Mars ; « Je m’assois toujours sur ce banc », commence Mathieu Guérin ; « Lorsque je suis revenu au banc, ma mère avait disparu. Pfuit », commence Benoît Vincent ; Isabelle Bonat-Luciani termine ainsi : « Et c’est nue que je suis entrée dans le présent. »

Éric Pessan nous raconte une belle histoire qui rappelle la nécessité des histoires, comme celles de Sébastien Ecorce, Christophe Grossi, Marie Cosnay, Sabine Huynh, Aude Pivin.

AUTRE DISPARITION

Inspiré par le retentissant fait divers de la jeune enfant retrouvée morte noyée échouée en novembre 2013 sur la plage de Berck-sur-Mer, Patrick Chatelier publie un travail polyphonique en trois parties :
1. les voix, et il s’agit bien d’un voyage guidé, en train, puis jusqu’au bord de la mer,
2. le chœur : la rumeur gronde,
3. les aveux qui « disqualifient à l’avance [les] gestes banals d’assassin ».

POÉSIE

Zoomez sur la neuvième livraison du parc à chaînes de Frédéric Laé pour lire des poèmes déchaînés.

Pedro Kadivar livre une Quarantième nuit d’été sous forme d’ une seule phrase, d’« une certaine élévation », d’une marche.

Jacque Josse a assisté à l’intense lecture de Volonté en cavale ou D’, poème-théâtre de Bernard Bretonnière. Il rend compte du recueil de poèmes Un fleuve de vin rouge paru en 1957 de l’Américain Jack Micheline, enfin traduit par Alain Suel : un poète des rues et des anonymes des rues. Et aussi du recueil Démolition de Jean-Christophe Belleveaux : colère et langue directe, concrète et concise.

« la poésie
c’est venu du fast-food » : Fabienne Swiatly présente Mon vrai boulot de Grégoire Damon aux éditions du Pédalo Ivre dirigée par Frédérick Houdaer avec lequel elle s’entretient et qui lui confie que la poésie est une précipitation chimique.

Sébastien Rongier présente Personnes(s), une lecture du Livre de l’Intranquilité de Fernando Pessoa de Sarah Chiche

CE N’EST PAS FINI !

Sur remue.net, en janvier, aussi, Pascal Gibourg salue la réédition de Homo spectator de Marie José Mondzain : une pensée, philosophie de l’image.

Sébastien Rongier fait partager une lecture par Christelle Lozère, historienne de l’art et une lecture par Sentier, plasticien, de Pour une critique d’art engagée de Dominique Berthet.

Bruno Fern présente Portraits d’Amérique de Jonathan Williams , portraits d’une trentaine d’artistes et portrait d’une Amérique « qui subsiste sous la merde ».

Dans le Cahier de création de la revue, Frédéric Lefebvre qui répète « l’histoire est connue », elle s’en prend aux bâtisseurs : rectangles de texte et rectangles de photos, le temps, Fouquet, l’Histoire.

Nous aimons les dessins et les belles histoires, en particulier ceux que Dominique Dussidour nous offre avec La Vallée enchantée de Benoît Jacques ou : « Dessine-moi un truquemuche ».

Pour en finir avec l’interminable lettre de janvier 2014, voici ces quelques mots de Lucie Taïeb qui présente Traduire comme transhumer de Mireille Gansel : « partir en quête de ce territoire inaliénable : aller vers l’autre pour l’accueillir ».

3 février 2014
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