Un corps pour le rugby, aux Ardoines…













LES ARDOINES, AUJOURD’HUI…

Le théâtre se fait écho pour en faire de l’art, pour qu’on n’oublie pas, qu’on regarde différemment. La littérature est le lieu du souvenir. Non de la nostalgie. Faire resurgir les émotions, les faire renaitre de leurs cendres, avec conscience.

Le métier d’écrivain, celui qui se penche sur les publics, pour les publics, en tendant l’oreille, est une nécessité, une vision, un regard sur la société, qui met le personnage au centre d’une nouvelle vie. Un processus proprement poétique. Un acte politique et poétique. Un métier où les deux s’y mêlent. Il y a aussi cette question qui se soulève d’elle-même, où l’écrivain planque-il ses émotions ? Comment peut-il engranger tous ces matériaux qui lui permettront d’écrire ? Il n’est pas un conservateur, il n’est pas un juge, il n’est pas un journaliste, il n’est pas un assistant social ni un maitre d’école ni un enseignant ni un professeur émérite ni un photographe ni un sociologue ni un psychologue… il est cette femme, cet homme qui existe par les mots, grâce àla littérature qu’elle, il fabrique en laissant des traces, sa patte. Elle ou il engage son corps comme corps poétique lorsqu’ elle ou il travaille. C’est secret. Cela est invisible. Ce n’est pas étaler ses capacités, c’est les faire sortir, non comme des tripes, comme des pleurs, non en tant que vociférations, souffle, cris, hurlements.

Cela s’écrit en discrétion et en finesse. Et le mot choisi transforme la parole du personnage et son silence, pour qu’ils deviennent cris, hurlements, vagissement dans la tête et par la voix de celle ou celui qui la porte jusqu’àla scène !

Un métier où le corps devient léger jusqu’àl’effacement…

Je me trouve dans un corps qui va àla rencontre d’autres corps. Des rugbywomen. Le corps comme parade au mouvement, une inscription dans l’espace, des muscles, une endurance dans l’effort : cette douleur consécutive aux coups aux chutes, àl’écrasement (physique) par les autres.

Les autres au rugby : notion noble ou éventée ? En tout cas ne pas reculer devant le contact, ne pas reculer devant les odeurs, accepter de tomber dans la boue, d’en maculer ses mains, et son visage, d’avoir soif, faim, d’avoir trop mangé, d’avoir envie de vider ses tripes, sa vessie, tout en même temps.

Donner son corps au rugby ?

Aller àleur rencontre.

Ça y va fort ! Des mots qui réinventent une parade. Une quoi ? Une parade à… Oui… oui une parade aux exigences de jeu. Un échauffement. Et puis les coups, les blessures, des froissements musculaires, des cicatrices qui apparaissent. Un corps pour le rugby, est-ce un espace de reconnaissance et de liberté ? Apprendre àle revêtir afin qu’il soit pleinement le sien àl’occasion des matches. Des rites de vestiaires. Un engagement pour soi, avec les autres, toujours face àl’autre, savoir que la parade face àl’autre peut être une sorte d’évitement, de positionnement, de course. La parade n’est pas faire le paon. Ici pas de place aux paons. On ne s’invente pas un égo surdimensionné. On est une joueuse. On ne lâche rien ou ne s’épuise pas pour rien. On court pour quelque chose. On n’y va !! On va dans la bataille. Et les valeurs du rugby ? Ces valeurs-làsauvent certaines filles au rugby. En dehors, àl’école, elles sont parfois rattrapées par une violence inouïe nommée indiscipline. Elles se défendent, ou plutôt sont sur la défensive. Il faut qu’elles montrent leur force et (peut-être ne pas être prises pour des filles). C’est compliqué d’être une fille qui joue au rugby ?

Il suffit d’aimer ce que l’on fait.

Et les mots, mes mots les rencontrent. C’est cela être en résidence de quelque chose. Aller àla rencontre d’une émotion, beaucoup d’émotion, tendre l’oreille, rester làet transformer par sa venue un environnement. Ce sont les autres qui font les écrivains, c’est de cet échange, de cette confrontation insolite qui permet àla littérature de s’enrichir, de se munir de nouvelles idées, d’exister au sein d’un monde. La société donne, l’écrivain récolte.

J’ai choisi l’habit, celui qui pare une fille de ce qu’elle aime le plus. Et aussi l’engagement féminin du corps. Les deux vont bien ensemble. L’écrivain, que je suis, les rencontre simultanément, et devine en ces filles, et ces deux garçons, lorsqu’elles, ils enfilent leur manteau ou leur tenue sportive (au vestiaire), une envie de devenir quelqu’un, quelqu’une d’autre. Et le montrer. Et réussir àle montrer.

Je les regarde, elles, ils transforment déjànotre rencontre.
Les louves : https://www.youtube.com/watch?v=XnzDIytWhs4
Marion Lièvre, chef de meute : https://www.youtube.com/watch?v=12adGcLirgk

6 juin 2016
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