Dictionnaire amoureux en temps de pandémie

Comment les adolescents pensent-ils l’amour, l’amitié et les liens affectifs dans ce climat si étrange, si vide et si alarmant ? De quelle manière peuvent se dessiner aujourd’hui les relations humaines des jeunes, lorsque le simple fait de se regarder dans les yeux et d’entrer en contact se heurte aussitôt àl’usage obligatoire des masques et de la distanciation préventive, rappelant ainsi que se toucher est interdit et se rencontrer « en vrai  » est encore plus difficile ? Quels sont, mais avant tout, que deviendront les vies amoureuses et les horizons sentimentaux des jeunes filles et jeunes garçons âgés aujourd’hui de 16 et 17 ans ? Comment l’adolescence évolue-t-elle et se définit-elle au moment d’une pandémie planétaire ? Nous nous le demandons tous avec beaucoup d’inquiétude au moment même où eux, les jeunes, animés par je ne sais quelles humeurs, se posent la même question.

Lorsque nous avons pensé le projet de résidence d’écrivain « Dictionnaire amoureux des garçons et des filles  » (avec l’enseignante Sandra Millot et la collaboratrice Lisa Ntessi), nous n’aurions jamais imaginé nous retrouver àdevoir réaliser ce projet dans un contexte si anormal et empreint de difficultés. Et pourtant, les raisons qui nous ont amenées àcondenser le travail de ma résidence d’écriture en une réinterprétation de l’univers sentimental et relationnel de certains lycéens Esabac (cursus binational franco-italien) sont possiblement renforcées par l’exceptionnelle situation socio-sanitaire que nous traversons.

La crise amplifie les différences entre les gens, mais elle exacerbe également les besoins de chacun d’entre nous, en mettant en évidence nos exigences personnelles les plus profondes. « Les autres  », cette notion aussi complexe que nécessaire pendant l’adolescence, sont désormais àdistance, certes potentiellement dangereux (contagieux) mais toujours aussi fondamentaux. Parce que sans la solidarité déclenchée par un réseau relationnel, nous risquons de mourir non seulement de la Covid19, mais également de solitude, chacun barricadé chez soi derrière un écran d’ordinateur, et le même risque est encore plus présent parmi les adolescents.

Je travaille avec deux groupes, l’un au sein du lycée Suger de Saint-Denis, l’autre au lycée Buffon dans le XVe arrondissement de Paris. Des jeunes très différents de par leurs conditions sociales mais, tous, confrontés aux mêmes problématiques : le même spectre de la solitude, la même tentation de l’individualisme.
Néanmoins, tous semblent être habités de la même manière par le besoin opposé, par une faim de rencontre, le besoin de se rencontrer, d’échanger avec les autres, de partager, de vivre.

9 décembre 2020
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