Écrire pour rien

« Â J’écris une lettre et je l’envoie. - Le brouillon en est là, sous mes yeux. - Je le relis. - Je n’en suis pas satisfait - mais la lettre est partie ! - Je corrige le brouillon quand même.  »
Sacha Guitry

Tenir un journal d’écriture est une expérience qui m’est encore inconnue. Dans le cadre de ma résidence au Conseil régional d’Île-de-France, je dois, enfin je ne dois rien mais il m’est conseillé d’alimenter mon profil dans la revue littéraire Remue.

Patrick Chatelier, l’un des rédacteurs en chef, m’a ouvert un profil. Depuis quelques mois, je lui fais ajouter et supprimer des rubriques sans jamais y publier le moindre article. Je stresse, j’angoisse àl’idée d’écrire la moindre phrase et de la publier. Remue est une revue pour écrivains et je ne me sens pas écrivain alors que faire ?

Tenir un journal d’écriture, c’est un peu comme publier son brouillon, le partager, l’afficher aux yeux du monde. Je devrais être ravi car il m’a toujours semblé que les brouillons étaient bien meilleurs que les versions finales. Les brouillons sont plus vrais, moins travaillés, les fautes de français y côtoient les fulgurances. C’est un beau monde où le pire et le meilleur coexistent sans encombre. Un brouillon, c’est un trésor. Quand il est écrit àla main, c’est encore mieux car on peut dessiner, raturer et remplir les petits carrés d’encre noire, former ensuite un damier noir et blanc sur sa feuille. Sur le brouillon sur lequel j’écris en ce moment même, il m’est impossible de griffonner, je peux néanmoins écrire en italique ou en italique et en gras. Il faudra faire avec.

J’ai (finalement) opté pour deux rubriques dans Remue.

La première est ce journal, je n’ai encore aucune idée d’où il me mènera, ni de ce que je vais écrire mais je dois, un tant soit peu, mettre de l’ordre dans ma tête. Je m’épancherai donc sur des lectures, des films et des images. Comme on dit, je partagerai mes coups de cœur. Parfois j’écrirai aussi pour rien. Au fond, c’est un peu le projet de ce journal d’écriture : d’écrire pour rien, une belle activité en somme. Des mots qui ne cherchent pas àêtre publiés, ni lus, ni appréciés. Écrire sans se poser de questions. Écrire pour écrire.

La seconde rubrique s’intitule Diasporas/Littérature où je publierai des entretiens filmés avec des écrivaines et des écrivains. Le Covid (je ne parviens pas àécrire la Covid) a chamboulé le plan initial : ces entretiens devaient être des rencontres organisées dans la librairie L’Atout Livre (Paris XII) mais public, il ne peut plus y avoir, nous avons donc opté pour Facetime. Il sera question de diaspora, d’écriture, de langues, de pays d’origine et de naissance, de révolutions et de musique. Jadd Hilal, Fatima Daas, Aliona Gloukhova ont été les premiers àme dire oui, ils me tardent d’échanger avec eux.

5 janvier 2021
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