PORTRAITS GAGNYNGHAM - 7

DUARTE
Danser je suis une brêle
Vraiment
Je ne m’aventure pas sur une piste de danse
Sans arme sans armure
Une piste de danse c’est un champ de bataille
Tout y est brutal
On y serre les mâchoires
On fronce les sourcils
Voir dans le dancefloor un espace de joie et de liberté c’est être dans l’erreur et c’est prendre le
risque d’être piétiné
Les fêtes que j’ai connues se terminent le plus souvent mal et le pire ce sont les boîtes
Dans une boîte de nuit l’homme ne connaîtra jamais la paix
D’ailleurs quel homme vient pour ça
Tu penses que les agents de sécurité et les videurs sont làpour le fun ultime et la kiffance
Tu penses que leurs séances de muscu et leurs paluches sur ta gueule àla sortie c’est pour rigoler
Non
Leurs muscles sont les signes de la réalité d’un conflit en cours
Comme ces militaires postés aux frontières de pays en guerre
Moi j’entre sur le dancefloor armé jusqu’aux dents et on y reste par goà»t du sang
Et j’y reste pour s’y perdre pour conquérir et défendre mon territoire
Ici ton courage et ta valeur au combat s’éprouvent
Car danser c’est circonscrire un espace vital et définir sa zone
Et si tu y autorises une intrusion c’est soit que tu es trop faible soit que tu cherches une
alliance d’intérêts objectifs
La communion des corps et la symbiose avec l’organique laisse ça aux hippies du théâtre et àleurs
vieux rites de défoncés, eux qui croient encore àl’universalité de la paix
Le dancefloor ça veut dire baston et ça veut dire baise-les tous baise-les toutes et baise-les
Fort
La musique c’est un prétexte
La musique de piste de danse me fait gerber
Elle encourage le rapport de forces la confrontation et la compression des corps
Elle se fabrique àla mesure des chocs qu’elle cherche àprovoquer
Sirènes
Explosions
Infra-basses
Attaques de charleys
Tout est encore ici question de puissance d’intensité et de sidération
De l’amour de la merde ouais
Qui croit encore àl’amour chevaleresque et pur sur le dancefloor
Qui écoute encore la musique sur le dancefloor
Qui rend vraiment grâce àcelle-ci
La bonne musique la vraie bonne musique je l’écoute seul chez moi un verre de Brandy àla
main une cigarette aux coins des lèvres

Chœur des veuves du far-west
Mais tu n’as pas de chez toi cowboy
Et boire colore ton regard d’outre-noir
Cowboy
Alors les cowboys dorment seuls la tête posée contre le flanc de leur jument
Car les cowboys ne dansent pas
N’aiment pas ça
Car les cowboys ne draguent pas
Ne savent pas
Cowboy laisse tout ça aux pieds tendres
Et cowboy tiendra le mur en fumant
Puis partira souffler dans le désert
Seul dans le seul bruit du vent
Cowboy pensera àsa maman
Aux longues plages du Portugal
Au soleil qui sur l’horizon s’étale
A la beauté des soirs couchants