Texte de Pierrette Fleutiaux & Laura

— Tu te mets où, toi ?
Le jeune homme lève les yeux vers le haut de l’escalier.
— Bon, tu veux être tout seul au grenier ?
L’autre ne répond rien et monte les marches. L’escalier craque.
­— Moi, je reste en bas, dit Alfred.
Il n’attend pas de réponse. Ce qu’il veut, c’est garder une vue panoramique sur les environs. Il a compris que l’autre ne présente pas de danger immédiat. Saura t-il jamais d’ailleurs son nom ? Mig, pour migrant, c’est comme ça qu’il l’appelle dans sa tête. Mais est-il vraiment un migrant ? Quelle langue parle t-il ? Mystère.
Au dehors, les nuages dissimulent la lune et le lac se fond dans la nuit. Des ombres mouvantes se reflètent sur le parquet usé. L’odeur de poussière prend àla gorge. Le bébé dort toujours. « Pauvre diable », pense Alfred. Des armes et du lait : son obsession. Il se rappelle soudain des fusils de chasse au sous-sol. Y sont-ils toujours ? Après vérification il en reste un seul avec un paquet de cartouches. Il cherche la boite de lait en poudre, il ne la trouve pas. Furieux, il monte l’escalier et secoue l’autre : « Â T’as pris la boite de lait ?!  ». L’autre se recroqueville, effrayé. Alfred mime un enfant et son biberon. Mig saute sur ses pieds et dévale l’escalier. « Â C’est ça, débarrasse-moi le plancher !  » pense Alfred. En bas, la porte claque. Dans l’espace d’une tuile déplacée, il aperçoit l’autre qui s’en va. Alfred fouille ses affaires, restées sur place. A l’intérieur : des livres en plusieurs langues, des plans de réseaux souterrains apparemment de différentes villes du monde et des gants en dentelles. Pas d’armes, pas de provisions et pas de téléphone.
Quand il redescend, àsa surprise, il retrouve l’autre assis devant la porte au milieu de planches arrachées en train de faire un feu. A côté, une casserole cabossée avec de l’eau àl’intérieur et la boite de lait. Alfred reste statique. L’autre se brà»le àplusieurs reprises mais parvient tout de même àpréparer le biberon. « On dirait un môme » se dit-il vaguement attendri. A cet instant, apparaît au loin, un faisceau de lumière perce la nuit entre les arbres : des phares de voitures.

Pierrette Fleutiaux & Laura

21 avril 2016
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