Sur un pont, 01 | Thomas & Nancy

La nuit est sombre ce soir. Juste éclairée par la lune. J’aime. Je crois que je vais m’approcher de la rambarde pour apprécier cette vue que j’apprécie tant : c’est bizarre à chaque fois que je regarde cette rivière, j’ai des frissons. Ce soir, elle brille de mille feux grâce à la lumière de la pleine lune. Ça me donne envie de plonger. Les arbres qui la bordent ont l’air de gardiens ayant pour fonction de préserver sa beauté.

MARIN

Il pleut, non pas comme de la pluie rafraîchissante, qui est agréable au moment de toucher ma peau, qui coule doucement en te revigorant. Non, celle-là, elle fait mal, chaque goutte m’arrache des cris de douleur, chaque goutte m’alourdit de sa peine, chaque goutte remplit mon crâne de désespoir, attendant la dernière goutte qui fera déborder le vase. Je m’avance vers le rebord du pont, prêt pour un dernier saut, le saut de l’ange.

KAYHLIA

Il y a quelqu’un à 30 m de moi. Il regarde au loin d’un air apaisé. Il a une expression si douce… c’est très agréable de le regarder. Je crois qu’il a eu la même idée que moi car il s’approche de la rambarde et se courbe en avant. C’est la première fois que je le vois dans le coin pourtant j’ai l’impression que l’on ressent la même chose à ce moment précis. Je le sens frémir face à ce spectacle.

MARIN

Tout d’un coup, à travers la pluie drue ruisselante, je vois au loin une ombre, comme si elle était le centre de l’univers, des rayons de soleil transpercent la pluie pour venir caresser son joli minois, son sourire m’éblouit, elle illumine mes ténèbres. Je dégueule par terre, allergique à toutes ces niaiseries, je peux sentir la vodka de ce matin.

KAYHLIA

Je pourrais peut-être me rapprocher. Je me positionnerais devant lui. Il comprendrait. Nous plongerons ensemble dans la rivière, éclaterons ce beau tableau. Et seule la nuit décidera de notre destin.

MARIN

Sérieux, quelle conne, elle a failli me faire changer d’avis. Bon, où j’en étais moi, ah oui, j’allais sauter. À ce moment-là je pense, Qu’est-ce qu’il y a après la mort, c’est pas vraiment le bon moment pour philosopher. Peut-être le paradis, j’avais un pote chrétien qui est passé de l’autre côté, peut-être qu’il connaît le boss de la boite, il pourra me faire passer dans la section VIP, sexe et rock pour l’éternité, le pied, seul problème je suis pas baptisé, pas inscrit sur la liste des invités, recalé. Il me reste quoi comme autre paradis maintenant, l’hindouisme peut-être, mouais, pas trop envie d’être collé serré avec 1 milliard d’Indiens, je le raye de la liste. Le bouddhisme, ça doit être chiant, méditer le matin, tai-chi l’après-midi, bol de riz le soir sans pouvoir avoir des pensées obscènes, je préfère le nirvana de Kurt Cobain. Toutes ces réflexions sans penser à mon corps qui finira sûrement dans une décharge.