(2024) Questions d’identités

Si la quête de soi est un enjeu universel, la plus grande des aventures célébrée par les écrivains et artistes en tout lieu et de tout temps, cette question semble aujourd’hui particulièrement aiguë, comme le point nodal d’une civilisation qui s’interroge.
Appartenances collectives, aspirations individuelles. Identités inscrites dans le corps, dans le genre, dans la foi, dans l’origine, dans le territoire… Crispations et grincements. Affrontements, explosions, mais aussi révélations.

« Qui suis-je, moi étranger dans un pays étranger ? Suis-je celui qui est arrivé il y a plus de vingt ans ou un autre ? » se demande Stève Wilifrid Mounguengui, qui dit encore : « Être, c’est se raconter, parce que le récit actualise en permanence notre situation dans le temps et dans le monde. » C’est donc d’un récit de soi-même qu’il s’agit, pour soi et pour le monde, pour que le monde me reconnaisse par le récit que je lui donne.
La proximité avec l’écriture est évidente. Et le travail en atelier invite les jeunes à écrire à partir d’eux-mêmes, de leur vie et de leur ville, pour construire une vaste mémoire en commun.

Sylvie Camet se méfie des enfermements : dans un genre, dans une église, dans une ethnie, contribuant à multiplier des références qui attisent les différences et les hostilités. « Ma préoccupation est celle du changement de regard, celui qui nous contraint à ne pas considérer nos pratiques comme des absolus mais comme des conditionnements (…) Dédaigner l’idée d’un moi puissamment homogène et donc souverain », écrit-elle.

Le prochain roman d’Omar Youssef Souleimane pose l’idée que dans une situation difficile, en l’occurrence avoir fui la Syrie en guerre et une société corsetée, le sourire peut se révéler identité : affirmer son bonheur devient un acte éthique et politique. Mais surtout, dit-il aussi, c’est la notion de diversité qui irrigue l’identité collective et individuelle.

Elitza Gueorguieva cherche elle aussi à s’émanciper des identités auxquelles on nous assigne. Son expérience d’atelier autour du plurilinguisme tente de creuser ces questions : « Comment faire de la contrainte de la langue étrangère une force ? Comment cultiver l’étrangeté au lieu de la lisser ? Comment maîtriser nos failles pour amplifier cette inquiétante étrangeté ? »

L’unicité n’est ni possible ni souhaitable : il faut faire avec nos identités éclatées.
Pour exprimer cette réalité, peut-être faudrait-il réinventer la langue, la créoliser, la métisser du Tout-Monde, pour reprendre l’expression d’Édouard Glissant. C’est un enjeu que nous rappellent les écrivains et artistes en tout lieu et de tout temps : Je suis – j’ai été une multitude d’êtres et de formes.


À lire aussi
Trouver une voix : le projet de résidence de Fatima Daas au lycée Lavoisier, avec Sylvie Cadinot-Romerio, professeure de lettres, et Valérie Dambel, professeure-documentaliste.

Être, c’est se raconter

Stève Wilifrid Mounguengui en résidence au lycée J.-P.-Timbaud (Aubervilliers)

Sourire identitaire

Omar Youssef Souleimane en résidence chez Racines et Horizons (Argenteuil)

Changer le regard

Sylvie Camet en résidence à Faire-Liens (Paris)

Exil et liberté

Elitza Gueorguieva en résidence à l’INALCO (Paris)