Anne-Sarah K.

J’ai connu deux jumeaux, ma mère a produit leur spectacle de street dance. Habillés de la même façon, de la tête aux pieds, le visage et le corps strictement identique, ils dansaient avec des mouvements totalement synchronisés dans une chorégraphie si parfaite qu’elle faisait croire àune illusion d’optique. Ils disaient : « Je ne sais pas comment vous faites pour vivre seul.  »

J’ai rencontré il y a peu Philippe Aubert, auteur de « Rage d’exister  » et son ami et collègue Jackson. Depuis sa naissance, Philippe est entièrement immobilisé et ne peut faire usage de la parole. Ils communiquent dans un mouvement des yeux qui vont et viennent sur une tablette ou s’inscrit l’alphabet. Il cligne de l’œil pour sélectionner chaque lettre. Jackson, àses côtés, le « traduit  ». Il énonce les lettres : A-E (clin d’œil) E. B–N–C (clin d’œil) C. B–N–C–R (clin d’œil) R... Écrit... Écriture. Ils vont très vite. Leur binôme fonctionne depuis des années. Pour eux aussi, aujourd’hui, vivre l’un sans l’autre, vivre seul, c’est compliqué.

Mathieu Simonet m’a filmée. Il publie cette semaine un livre intitulé « Anne-Sarah K  ». Il m’inspire, il m’incite àécrire, c’est lui qui m’a dit : tu devrais raconter ton expérience àla permanence juridique pour les sourds et j’ai publié « Est-ce qu’on entend la mer àParis ?  ».
C’est encore lui qui m’a encouragée àécrire ce qui ressemble àla suite de « La mer àParis  ». Ce texte n’est pas terminé et je ne sais pas s’il le sera un jour.
Maissiat a accepté d’en lire des extraits. L’année dernière, je l’ai entendu lire des textes de Mathieu àla Maison de la Poésie, j’ai trouvé cela si joli que je lui ai demandé si elle accepterait de venir lire pour moi. Ils seront tous les deux dans une lecture àdeux voix, Maissiat lira mes textes et Mathieu lira les siens : une écriture àentendre et àregarder, en français et en langue des signes.

Je vous invite àvenir les écouter avec moi.

Anne-Sarah Kertudo

21 janvier 2019
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