La crédulité ou l’incrédulité
La chose du monde à laquelle les philosophes ajoutent le moins de foi, c’est aux revenants. SADE
Le fantosme est l’imagination des furieux insensez & melancoliques, qui se persuadent de ce qui n’est pas. PIERRE LE LOYER
L’un des points établis par nos observations est qu’en principe, normalement, les morts ne se manifestent pas. CAMILLE FLAMMARION
(…) si nous voulons admettre comme possible une action réelle des morts sur le monde des vivants, celle-ci ne pourrait avoir lieu qu’avec une excessive rareté et d’une façon tout à fait exceptionnelle : car sa possibilité serait subordonnée à toutes les conditions indiquées, qui ne se rencontrent pas facilement à la fois. SCHOPENHAUER
« Il est facile aux malings espritz avec leurs corps etherez, faire beaucoup de choses merveilleuses et espoventables, lesquelles nous ne pouvons comprendre par noz sens, aggravez et ensepveliz en ce corps terrestre. Si nous sommes (dit-il*) ravis quelque-fois en admiration de veoir aux theatres et spectacles quelques hommes terrestres representer des choses miraculeuses, mesmes lesquelles nous ne croirions pas si elles nous avoient esté racomptées par d’autres, tant elles excedent la capacité de l’entendement humain, pourquoy devons nous trouver estrange que le diable et ses Anges (avec leurs corps elementaire) abusent nostre chair, deçoyvent noz sens, et nous representent quelques-fois des Phantosmes, des images, Idoles et figures, en veillant ou en dormant, afin de nous faire trebucher ? ».
* sainct Augustin
Pierre Boaistuau, Histoires prodigieuses, Chapitre « Visions prodigieuses, avec plusieurs histoires memorables de Spectres, Fantosmes, figures & illusions qui apparoissent de nuict, de jour, veillant & en dormant »
« C’est ainsi qu’on appelle les personnes qu’on dit reparaître après leur mort : on sent toute la petitesse de ce préjugé. Marcher, voir, entendre, parler, se mouvoir, quand on n’a plus ni pieds, ni mains, ni yeux, ni oreilles, ni organes actifs ! Ceux qui sont morts le sont bien, et pour longtemps ».
Diderot, L’Encyclopédie, article « Revenant »
« Les noms de lutin, de fantôme, de spectre, de revenant et autres semblables, abondent dans les pays à proportion de leur stupidité et de leur barbarie ».
Louis de Jaucourt, Histoire des superstitions, article « Lutin »
« Or tous les fantômes qui apparaissent à cette sorte de gens durant les ténèbres ne sont pas toujours de purs esprits sans chair et sans os, ce qui rend ces apparitions un peu suspectes aux maîtres et aux maîtresses et leur ouvre les yeux sur les déportements de cette jeunesse, afin qu’il ne se passe rien que d’honnête dans leurs ménages ».
Jean-Pierre Camus, Divertissement historique
« La pensée vive et ardente d’une autre personne vers nous peut exciter dans notre cerveau la vision de sa figure, non à l’état de simple fantôme, mais de façon qu’elle se tienne là devant nous en chair et en os, et indiscernable de la réalité. Ce sont notamment les mourants qui exercent ce pouvoir, et qui, à l’heure de la mort, apparaissent à leurs amis absents, même à plusieurs à la fois, en des endroits différents. Ce cas a été si souvent conté et attesté de côtés si multiples, que je l’accepte sans hésiter comme fondé ».
Schopenhauer, Essai sur les fantômes
« Les spirites sont convaincus de la survivance de l’âme individuelle et ils voudraient nous montrer que cet article de la doctrine religieuse est indubitable. Malheureusement, ils ne sont pas parvenus à réfuter ce fait que les apparitions et manifestations de leurs esprits sont le produit de leur propre activité psychique. Ils ont évoqué les esprits des plus grands hommes, de penseurs les plus éminents, mais toutes les manifestations et informations issues de ceux-ci étaient si niaises, si désespérément insignifiantes, qu’il est impossible de croire à autre chose qu’à la capacité des esprits de s’adapter au niveau des hommes qui les ont évoqués ».
Freud, L’avenir d’une illusion
« Je m’étonne que la plupart des hommes aient si peur des spectres, eux qui acceptent si facilement de parler aux morts dans leurs songes ».
Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
« Je me souviens d’histoires de fantômes qui ne faisaient peur qu’à cause du noir dans lequel elles étaient racontées ».
Joe Brainard, I remember
« Les fantômes n’existent pas. Il n’y en a pas, il n’y en a jamais eu. C’est d’ailleurs ce qui rend leurs apparitions si effrayantes ».
Eric Chevillard, L’Autofictif voit une loutre
« Le paysage a, en effet, joué un rôle important dans l’histoire des esprits. Est-ce un hasard s’ils se sont réfugiés sur les landes écossaises, dans le fracas des cascades et le poudroiement des geysers islandais, dans les brumes de la mer Baltique ou sur les côtes bretonnes ? Non ! Ils survivent là où l’on croit en eux, c’est-à-dire avant tout dans de petites communautés isolées, loin des grandes routes et du déferlement des touristes, loin du grondement des machines et des moteurs. Là où chante le vent dans les arbres et les hautes herbes, là où les nuages accrochent leurs flocons ouatés aux cimes, là où les étangs offrent leur calme mystérieux, là où la nature est encore digne de son nom, là, attendant vainement de retrouver leur splendeur perdue, leur place dans la société, leur rôle et leur fonction, s’éteignent lentement les derniers esprits. Leur mort a la même importance qu’il y a des siècles celle du grand Pan : ils font place à un monde sec, aride, impitoyable, car nul ne peut plus espérer qu’un esprit viendra réparer une injustice ou lui apporter bonheur ou fortune. Avec les esprits, c’est la matière du rêve qui disparaît ».
Claude Lecouteux & Philippe Marcq, Les Esprits et les Morts, Croyances Médiévales