La réception du journal de résidence

Voici les réponses de trois auteurs à nos questions sur la relation entre leur journal et le lieu d’accueil.
Qu’est-ce que cela a permis dans votre rapport avec les divers publics (en atelier ou autre) ? A quels endroits ces derniers influent-ils sur le journal ? Certains le lisent-ils et y réagissent-ils ? Cela vous aide-t-il dans votre intégration et le dialogue avec eux ?

Julien Thèves
Certains élèves de l’ESCA ont lu les chroniques, j’ai eu de beaux retours au début. Je leur dis que j’écris, qu’ils peuvent s’ils veulent, aller lire... C’est une façon pour moi de dire que j’écris autant qu’eux. Qu’on est tous, ensemble, dans une sorte d’expérience avec l’écriture.
Et oui, mes élèves acteurs et actrices sont présents dans le journal. Pendant que j’écrivais cette chronique de résidence, je me disais qu’il y avait quatre thèmes : la ville / les souvenirs / les acteurs / l’écriture. Je traite un peu ces quatre sujets, au prisme de la jeunesse qu’ils possèdent, eux, et que j’ai perdue.

Antonin Crenn
En résidence au lycée Charles-de-Gaulle, je travaille avec des adolescents qui ne s’impliquent pas beaucoup dans le projet, ni dans leur scolarité en général. C’est l’enjeu principal de mes ateliers d’écriture : essayer de les mobiliser, de stimuler leur curiosité et leur imagination, de donner une forme à une expression désordonnée (à une énergie souvent belle, mais qui se disperse). Je suis sûr que la plupart des élèves n’ont pas cherché à me lire. Ils savent pourtant que mon blog existe (je leur ai même dit, pour les titiller, qu’il m’arrivait d’y parler d’eux). Je leur ai montré Remue.net et le journal que je publie ici mensuellement. Je sais que certains profs le lisent. Et les élèves ? Pour moi, ce journal est encore un exercice différent : pour la première fois, je le publie sur un site qui ne m’appartient pas. Il est lu par des gens qui ne me connaissent pas : les fidèles de la revue, les autres contributeurs de ces rubriques, qui d’autre ? Je n’écris pas de la même manière ici et chez moi. Chez moi, peu importe si personne ne me comprend : je parle comme devant mon miroir, ou comme a des amis intimes. Ici, je contribue à une revue dont j’étais déjà lecteur, dans l’ombre. Je fais attention de ne pas ennuyer les gens qui ne me connaissent pas. J’essaie de ne pas écrire n’importe quoi. D’être au niveau. De ne pas faire regretter aux camarades de m’avoir admis dans la bande. Ici, je lis les journaux des autres auteurs et autrices. Je fais connaissance avec leurs voix, leurs projets. Il y a même quelqu’un que j’ai eu envie de rencontrer en vrai. Je lui ai envoyé un message pour lui dire : « J’aime lire ton journal sur Remue. » Il m’a répondu : « J’aime lire le tien aussi. » Alors on a pris un café, on a parlé. Et c’était sans surprise — dans le bon sens de cette expression, c’est-à-dire : sans déception. Quand on écrit avec sincérité, quand on lit le journal de l’autre, on n’est plus des inconnus. On connaît une sensibilité, un regard, et aussi quelques faits matériels. Se lire l’un l’autre : c’est presque un dialogue. La conversation est déjà lancée. Alors, à la terrasse du café, que fait-on ? On la poursuit.

Amélie Lucas-Gary
Oui, c’est quelque chose auquel les élèves, les professeurs et les artistes ont été attentifs au cours de l’année. Je crois que les gens aiment assez qu’on parle d’eux. Mais surtout cela m’a aidé à définir mon rôle. Je n’ai jamais été très à l’aise avec ce principe d’atelier d’écriture, mais durant la résidence j’étais dans un tel état de jachère et de partage, ce que le journal accentuait et mettait en lumière, que l’activité de transmission prenait du sens.

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