Le grand rêve
De septembre à novembre 2020, j’ai rencontré les élèves et leurs professeurs dans deux écoles primaires proches de la librairie de l’Arbre du Voyageur, dans le 5e arrondissement de Paris.
À l’école Rollin, une classe de CM2 m’accueille.
La rue Rollin n’a pas de trottoir ni de circulation automobile, on l’atteint en montant les escaliers à partir de la rue Monge, en tournant le dos aux arènes de Lutèce. L’école plane au milieu de ce petit plateau.
Je rejoins la classe dans un cycle autour de la mythologie et des légendes ; mon arrivée coïncide avec l’enlèvement des Sabines près de Rome et mon départ avec celui, davantage consenti, de Lanval, chevalier de la Table ronde, par son amante sublime pour l’île d’Avalon.
Autour de la mythologie et de ses sources, interprétations et messages, nous avons débattu en forum romain, comparé des versions, réécrit des épisodes, décrit et analysé les tableaux de Jacques-Louis David et de Nicolas Poussin, de « L’enlèvement des Sabines » à « L’intervention des Sabines », présents sous forme d’affiche sur les murs.
Dans cette classe, quelques élèves écrivent des romans policiers et des poèmes, individuellement ou entre ami.e.s. Nous avons consacré une séance à les entendre lire leurs textes et en discuter ensemble.
Quelques semaines plus tard, le roi Arthur transportera Marie de France « première femme de lettres en Occident à écrire en langue vulgaire » à l’école Rollin. Faire entendre le français du XIIe siècle autour de celui des traductions, comparer un lai que j’ai écrit en 2006 « Mon polymorflaichievrefoil » avec son « Lai du chievrefoil », sonder l’acuité des vers en octosyllabes à rimes plates qu’on retrouve dans le rap français ; de quoi brasser le temps.
Dans les récits légendaires, l’héroïne ou le héros en difficulté, ne sachant que faire, se couche volontiers pour reprendre des forces et trouver l’enseignement d’un rêve.
Les 4 grands rêves écrits par 28 mains à l’école Rollin, enregistrés par ma voix en cut-up et sans aucune coupe, nous les avons écoutés ensemble à la dernière séance.
Bien entendu, sans la curiosité, la complicité et la confiance du professeur d’école et de ses élèves, rien de tout ceci n’aurait pu avoir lieu. Merci !