Tisser de nouveaux liens

Cécile Corre,
Médiathèque la Boussole
(Melun, 77).
Résidence de Xavier Courteix (en cours).



Pourquoi, en tant que médiathèque, avoir décidé d’accueillir une résidence d’auteur ?

L’équipe pluridisciplinaire de la Boussole (centre social et médiathèque) a souhaité proposer un projet innovant visant à encourager la participation des habitants en les rendant créateurs de contenus culturels. Le projet vise aussi à promouvoir la capacité de la Boussole à être un espace de vie, un lieu de pratique littéraire et artistique et d’incitation au livre et à la lecture.

La politique culturelle telle qu’elle a été définie souhaite inscrire Melun dans le triptyque “Création - Diffusion - Médiation” proposant ainsi de renforcer les liens entre les artistes et le public en se positionnant en tant que lieu ressource pour les artistes.

Pourquoi cet auteur en particulier ?

Nous avions décidé de proposer au public une sélection de romans-photos au sein de notre offre de lecture Facile à Lire soutenue par le ministère de la Culture. Proposer des médiations pour des publics cibles est une étape cruciale de la démarche. Nous avons alors contacté les Editions Flblb dont l’un des éditeurs, Thomas Dupuis, nous a mis en contact avec Xavier Courteix. Découvrant son premier livre, son parcours et ses projets d’écriture, et guidées par nos référentes de la Médiathèque départementale de Seine-et-Marne, il nous est apparu évident qu’une résidence d’auteur avec lui serait l’occasion d’aller bien plus loin dans notre proposition et notre démarche auprès du public. Le thème de son travail d’écriture, le récit intergénérationnel, correspond particulièrement à des objectifs intrinsèques à notre structure.

Comment se passe l’accueil d’un auteur en résidence dans votre médiathèque ?

Dès le départ nous avions conçu et rédigé le projet de la résidence sous la forme d’un dialogue. Il s’agissait ensuite de laisser la place au dialogue entre l’auteur et les habitants et de créer les conditions qui le permettent.
La Boussole se situe dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, beaucoup d’habitants peuvent être impressionnés par la rencontre avec un artiste et ne se sentent pas légitimes quant à la possibilité d’être eux-mêmes dans une posture de création. C’est là que nous intervenons, nous les accompagnons à chaque étape. Nous les avons guidés vers lui à chaque rencontre et sommes restées présentes à chaque atelier. Xavier Courteix est lui-même très attentif aux difficultés qu’ils rencontrent. Il a très vite cerné l’autocensure des participants avec ce sentiment très fort de “je n’y arriverai pas, ce n’est pas pour moi”. C’est sur ce point que les choses ont été passionnantes, quand les pages s’écrivent et que le public découvre et se découvre en même temps.

Pour ce faire, l’essentiel de notre travail a été d’accompagner à chaque pas notre public, d’être à l’écoute des demandes de l’auteur, de lui faciliter les choses et, pour son travail personnel d’écriture, de favoriser les rencontres inspirantes.

Comment l’accueil d’un auteur en résidence s’inscrit-il dans la mission de service public de diffusion de la lecture ?

Avoir un auteur en résidence permet d’installer dans le temps des pratiques culturelles.
Un des atouts d’une résidence est le temps dont on dispose avec un auteur. On peut amener le public vers le livre et la lecture sur la durée en l’imprégnant de l’univers de l’auteur, en le rendant si familier qu’il impressionne moins ou plutôt différemment.
Cette résidence permet de valoriser les différentes pratiques de lecture notamment auprès d’un public inscrit aux ateliers sociolinguistiques.
Elle permet aussi d’amener les publics en difficulté avec la lecture à être à nouveau ou pour la première fois au contact du livre, participant ainsi à l’utilisation des ressources qui sont à leur disposition.

Que vous apporte, à tous niveaux, la présence de l’auteur ?

Cette résidence est l’occasion pour l’équipe pluridisciplinaire de la Boussole de mettre à profit les différentes compétences et expertises de chacun. Les bibliothécaires travaillent ainsi avec les animateurs du centre social et la médiatrice culturelle de la structure à mettre en valeur la résidence et à proposer d’autres animations en lien avec le travail de l’auteur (visites de musées et autres ateliers en direction d’un public jeunesse par exemple).

Le fonds Facile à Lire, agrémenté de nombreux romans-photos prêtés par la Médiathèque départementale, a de fait une position centrale au sein de nos collections, le faisant ainsi mieux connaître auprès du public.
L’atelier tout public a permis de rencontrer des habitants retraités peu représentés au sein de nos lecteurs majoritairement jeunes. Les autres activités proposées par nos collègues animateurs de cette résidence font que nous parvenons à fidéliser de plus en plus de seniors qui s’investissent dans la vie de la structure. Cet atelier a notamment permis aux habitants de tisser de nouveaux liens dans une atmosphère de travail extrêmement bienveillante entre eux.

Le lieu  :
L’atelier proposé dans le cadre de l’atelier tout public par l’artiste Gianpaolo Pagni sur la recherche de traces imaginaires du passé a permis de revisiter les lieux et de s’approprier les objets qui s’y trouvent autrement.
Xavier Courteix a vécu dans notre structure comme dans un nouveau territoire à explorer, à visiter, avec des personnes que l’on croise ou que l’on rencontre, comme dans un voyage. Les participants se sont eux rapidement familiarisés avec la Boussole et viennent y vivre d’autres expériences.
Pour donner une plus grande présence physique de la résidence, un atelier ouvert sous forme de fresque collective sera mis en place au printemps sur un mur de la structure, un “Marabout-photo”, entre jeu d’esprit et roman-photo alliant images et mots en collage.

Si des rencontres et lectures publiques sont organisées, y a-t-il des différences entre les événements habituels et ceux dans le cadre d’une résidence ?

La résidence nous permet de concevoir 2 évènements inédits avec une plus forte mise en valeur du travail des habitants et de l’auteur tout en sortant de la structure pour toucher un plus large public :

– Des projections en extérieur sont programmées, l’une aux abords de la médiathèque Astrolabe en centre-ville et l’autre en face de la Boussole. Nous profitons du nouveau projet LUMEN organisé par Melun et dont l’objectif est de “projeter des œuvres d’art dans nos rues et sur nos places”. Les images projetées seront des extraits des récits construits par les participants des ateliers roman-photo et des extraits provenant des réalisations de Xavier Courteix, accompagnées de lectures musicales.
– La publication d’un livre par les Editions Flblb contenant les romans-photos créés par les habitants.

Cette proximité prolongée avec un auteur change-t-elle votre regard sur son travail ? et sur le processus de création en général ?

Le public comme nous-mêmes avons été confrontés aux exigences de l’écriture et de la réalisation d’un roman-photo. Même si certains d’entre nous ont déjà eu des expériences de créations littéraires ou plasticiennes, nous avons été étonnés par la difficulté de ce travail littéraire où le moindre détail fait sens alors que le récit doit garder une grande fluidité.

Quelle expérience de vie pour les habitants quand ces difficultés sont dépassées et que le récit prend forme ! Surtout que le thème choisi par l’auteur, le dialogue avec un aïeul, conduit à fouiller au plus profond de soi pour faire ressortir une histoire. C’est cette envie aussi de révéler par l’écriture des choses qu’on voudrait dire, qui a permis à chacun de tenir bon dans le processus de création.
Xavier Courteix a su les accompagner pas à pas dans la réalisation de leur récit et réorienter le contenu de manière toujours constructive.
Nous ne lirons pas son prochain livre de la même manière !
Xavier Courteix sait travailler de manière très précise, c’est un perfectionniste. Mais son secret, c’est certainement l’écoute des autres et la bienveillance.

L’expérience débouche-t-elle sur des suites possibles ?

Des suites, il y en aura forcément ! Vivre une telle résidence est une aventure pour les participants, pour l’auteur comme pour nous-mêmes. Nous espérons que les liens construits avec les habitants pourront conduire à la formation d’un comité de lecture qui pourrait travailler avec nous autour de la sélection Facile à Lire. Xavier Courteix pourrait d’ailleurs lui-même en faire partie. Pour l’instant nous n’en sommes qu’à la moitié du trajet, il nous reste encore quelques mois à vivre cette résidence. D’autres idées viendront sûrement.



Lire le point de vue de Xavier Courteix, auteur en résidence.

T T+