01 – Rêve de Noémie, 29 ans

Adolescente, je dormais beaucoup. Je dors encore beaucoup aujourd’hui mais à cette époque, il n’y avait pas de véritable séparation entre mon sommeil et ma vie éveillée.
Je m’endormais souvent sur le dos, et me voyais endormie, dans cette même position, comme depuis le plafond de ma chambre. Un soir, j’ai eu la sensation qu’une force magnétique me plaquait contre mon lit et m’empêchait de bouger. Une force si puissante qu’elle m’empêchait de me relever, et ce n’était pas un cauchemar, c’était moi, c’était ma chambre, mon lit, je la sentais, impossible de sortir de là, ni même d’ouvrir les yeux. J’entendais les bruits dans le couloir, de l’autre côté de la porte. J’entendais ma mère passer. Je priais pour qu’elle m’entende ou bien devine, ouvre la porte, me libère, je criais, « Maman ! » « Maman ! » à l’intérieur de moi seulement parce qu’aucune voix ne sortait.
J’étais paralysée. Je ne sais plus comment je me suis sortie de là finalement. Mais cela a duré. La nuit avait été terrible. Je me souviens d’avoir lutté, un bon moment, puis repris mon sommeil. La force était toujours présente. Je devrais continuer ma nuit avec elle. De toutes façons elle me dominait.
Les nuits suivantes, je m’endormais encore sur le dos, lui faisant face. Un autre phénomène se produisit. Je me voyais dormir, et mon corps, lorsqu’il n’était pas tétanisé, se soulevait à l’horizontale, pour s’élever dans la pièce.
Une nuit j’ai rêvé que ce corps voyageait dans tout l’appartement. Toujours allongé, évanescent, comme un hologramme. Cela me procurait un certain plaisir, mais le fait d’être à la fois ce corps et son spectateur, me terrifiait et me questionne encore. J’avais conscience que ce phénomène était extrêmement rare et fragile. Ce corps sortait de moi, s’élevait, mais ce dédoublement était fugace, et dépendait d’une force qui avait agi à ce moment-là. Elle semblait venir de l’intérieur cette fois-ci. Quelque chose rendait cela possible.
Souvent, par la suite, à des périodes moins angoissées, j’ai rêvé que je savais voler. J’avais la capacité de me transporter d’un point à l’autre de ma chambre. Je pouvais me soulever de quelques centimètres, un mètre à peine, par petits bonds. Cela ne fonctionnait pas à chaque fois. Il fallait une énergie, une concentration nécessaires. Et cela n’avait lieu que dans ma chambre.
Il y avait peut-être quelque chose dans ma chambre. Ou quelque chose en moi qui s’y révélait en dormant. Je ne sais pas ce que c’est. Je l’ai peut-être perdu. Mais où que je sois, je suis prise de cauchemars dès que je m’endors sur le dos.

Noémie

1er avril 2013
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