Des choses et des hommes
Sur les étagères, quelques couverts au manche coloré, une carafe esseulée, deux sucriers, un cadre vide.
On est lundi chez Emmaüs Défi. Ne restent dans l’espace de vente que les objets dont personne n’a voulu ce samedi, unique jour d’ouverture au public.
Dans les ateliers de tri, on s’affaire pour préparer le samedi suivant. Bernard Lavilliers chante à fond dans les enceintes pendant que les piles de vêtements, chemisiers, pulls, collants, chaussures, s’amoncellent sur les tables et se répartissent les cintres.
Au coin vaisselle, on sépare les bibelots et la vaisselle de valeur du reste des articles en tous genres, casseroles, cendriers, épluche-légumes. Dans les cartons, quelques belles surprises, un service ancien, et puis toutes ces assiettes ébréchées, services à café qui ne proposent plus qu’une tasse pour six soucoupes, un couvercle de cafetière sans la cafetière.
On se dit, oui, il y a ceux qui donnent à Emmaüs des objets dont ils n’ont plus vraiment l’utilité, joli geste solidaire, et puis ceux qui profitent de la collecte pour se débarrasser, tout simplement. On mesure l’attention portée aux autres à l’aune de ces cartons collectés.
On est lundi. Je me sens bien, dans ce grand espace où chacun travaille à déballer, trier, réparer, remettre en service et en valeur les choses anonymes qui sont arrivées par cartons entiers et qui bientôt poursuivront leur chemin entre les mains d’autres acquéreurs.
Je déambule entre les grandes armoires et leurs miroirs jusqu’au coin salle à manger avec ses tables vernies, ses chaises de velours.
C’est là que je m’assieds le premier jour pour observer, écouter, écrire, les bruissements et puis les rires.