Le Sacrifice des Walterson
La pièce imaginée et écrite depuis février dans les services Pédiatrie et Espace Ados (Pédopsychiatrie) a trouvé son titre : Le Sacrifice des Walterson.
Trente-six adolescents sont passés par l’atelier, certains pour une seule séance, d’autres pour plusieurs mois, et ont participé à l’invention et à l’écriture de cette aventure vécue par Garry (le petit garçon de deux ans qui est le narrateur de l’histoire) et par sa famille.
Nouvel extrait :
Scène 3 (Partie II)
Le lendemain matin.
Dans la chambre des parents.
CATHERINE commence à ouvrir les yeux. Oh mon dieu ! Non !
Henry, regarde ça !
HENRY se réveille en sursaut. Quoi ?! Qu’est-ce qu’il y a ?
CATHERINE. Mais regarde, ouvre tes yeux, regarde notre lit, les murs, l’armoire… Regarde !! La chambre est au moins deux fois plus grande !
HENRY ouvre les yeux. Oh… C’est…
CATHERINE. Un rêve, il faut que je me réveille !
HENRY. Mais chérie, tu es réveillée, ce n’est pas un rêve.
CATHERINE. C’est MAGNIFIQUE !
HENRY. Un miracle.
CATHERINE. Tu as raison, je n’arrive pas à y croire.
HENRY. Notre lit, immense, d’une couleur dorée…
CATHERINE. Aux fenêtres, des rideaux de soie…
HENRY. Sur les murs, de fabuleux tableaux…
CATHERINE. Les armoires, d’un bois brillant…
Henry sort du lit et ouvre les armoires.
HENRY. Si tu voyais ça, Catherine : costumes, paires de chaussures, cravates…
EMELINE entre dans la chambre, en criant. Papa ! Maman ! Levez-vous ! Vite ! Notre maison n’est plus la même !
Elle saute partout.
HENRY. Oui, ma puce, nous avons vu, calme-toi.
Ouah ! Regarde ces robes, ce qu’elles sont belles !
NOA entre dans la chambre, en criant aussi. Emeline, je te cherchais partout ! T’as vu la maison ?! C’est génial, viens voir ma chambre !
Emeline et Noa sortent.
CATHERINE. Je n’arrive pas à croire que nous sommes éveillés.
HENRY à lui-même. Essayons ce costume.
CATHERINE. Tout cela est vraiment à nous ?
HENRY en s’habillant. Mais oui…
CATHERINE. Nous qui n’étions pas riches, qui vivions à l’étroit…
HENRY. C’est incroyable, on dirait qu’il était fait pour moi ! A Catherine. Toi aussi, tu pourrais te faire belle. S’il te plaît, ma chérie, enfile une de ces jolies robes.
Catherine se lève du lit et regarde dans les armoires.
CATHERINE. Je n’en reviens pas, Henry.
J’ai le sentiment qu’une nouvelle vie va commencer.
HENRY. Oh oui… et nous allons en profiter, de notre nouvelle vie. Nous allons enfin nous promener la tête bien haute, ne plus avoir honte devant ces villageois… Il rit.
CATHERINE sortant une robe d’une armoire. Lorsque je mettrai cette belle robe bleu azur assortie à ces chaussures à talons pointus, je crois que les regards…
HENRY l’interrompt. Woua ! J’ai hâte de voir ça, chérie !
Catherine enfile la robe et les chaussures.
Silence.
HENRY. Catherine, tu es belle, tu as changé.
CATHERINE. J’ai changé ?
HENRY. C’est toi, Catherine, oui ?
CATHERINE. C’est toi, Henry ? Tu es beau.
Pourvu que tout cela ne soit pas un mirage et disparaisse.
HENRY. Allons voir les enfants.
Plus tard, dans l’ancienne salle à manger des Walterson.
La famille découvre que toutes les pièces de la maison sont immenses, de grands miroirs aux murs, des lustres accrochés aux plafonds, pleins de serviteurs à leurs ordres. Des cuisiniers préparent la table pour le petit déjeuner.
GARRY. Papa et maman sont bouleversés par ce changement. Emeline et Noa restent immobiles, la bouche ouverte. Walter est dans les jambes de papa, effrayé. Là, je ne comprends plus rien, tout change. D’un coup : un repas digne des plus grands restaurants, une maison qui s’agrandit, s’agrandit, de beaux meubles, des tapisseries, maman qui vient me réveiller dans une robe que je n’ai jamais vue, papa habillé comme un bourgeois… Et ça, qu’est-ce que c’est ? Une piscine… il y a une piscine au milieu de la maison maintenant ! De l’extérieur, elle doit ressembler à un véritable palais.
EMELINE. Mais d’où sortent toutes ces choses ?!
CATHERINE. Je n’en sais rien du tout.
NOA aperçoit une console auprès de la télé. Une PS3, yes !
Noa joue à la console.
Une domestique vient vers les parents.
LA DOMESTIQUE. Bonjour monsieur et madame Walterson.
HENRY. Qui êtes-vous ?
LA DOMESTIQUE. Je suis une de vos domestiques, monsieur.
CATHERINE. Des domestiques ?! On n’a jamais eu de domestiques.
LA DOMESTIQUE. Mais si, madame…
NOA. Maman ! Maman ! La télé bouge, regarde !
GARRY. Noa regardait la télé et elle a commencé à grandir, s’élargir, l’écran devenait plus fin. Très, très étrange ! Moi, j’avais faim, je faisais signe à maman, mais elle ne me voyait pas. Elle regardait les nouvelles choses, les touchait, s’amusait… Elle ne pensait plus à moi ! Je voyais des gens qui passaient devant moi, je ne les connaissais pas. Ils parlaient à mes parents, mais qui étaient-ils ? Je ne le savais pas, jusqu’au moment où j’ai entendu papa dire : « Domestiques, s’il vous plaît ». C’étaient donc des domestiques alors. Mais pourquoi étaient-ils là ? Je ne les ai jamais vus ! Ils répondaient à tous les besoins de mes parents, rapides à les servir, on se croyait au restaurant. Walter n’arrêtait plus d’aboyer, parce qu’il ne les connaissait pas. Son collier brillait, et sa niche aussi avait changé, elle était devenue bien plus grande.
CATHERINE. Où sommes-nous, Henry ?
HENRY. Dans notre palais.