Une première histoire est arrivée

Quand j’ai mis ma boîte àhistoire àla disposition des personnes intéressées, àvrai dire, je n’y croyais pas trop. Qui peut bien écrire une histoire de cuisine pour moi… Eh bien si ! J’en ai reçu une, de la part d’Aurélie Raimond, que je ne connaissais pas, qui m’a même fourni les photos de son plat (une recette qui… est devenue quelque chose d’autre).
Le hasard a voulu que, lorsque j’ai reçu cette histoire, je lisais un livre intitulé Don’t Try This at Home : Culinary Catastrophes from the World’s Greatest Cooks and Chefs (ed. Kimberly Witherspoon and Andrew Friedman, Bloomsbury Publishing, 2006), bref le livre des ratages de grands chefs.
C’est àla fois drôle, parce qu’on a toujours envie de savoir ce qui se passe dans la cuisine, qui ne doit pas toujours se passer comme sur des roulettes, et puis c’est le meilleur moyen de découvrir les difficultés d’organisation de ce métier, mais en même temps, j’ai pensé : pourquoi aime-t-on tant raconter les histoires de ratage ?
Parce qu’il n’y a pas que les grands chefs, tout le monde veut raconter une histoire de ratage, et tout le monde en a au moins une àraconter. C’est même l’un des grands thèmes de l’histoire de la cuisine, qui figurerait sà»rement dans une typologie des histoires de la cuisine.
Et d’ailleurs, quels seront d’autres thèmes récurrents des histoires de cuisine ? Je verrai ça petit àpetit, en lisant les histoires que vous m’enverrez…

Merci beaucoup Aurélie !

L’histoire d’Aurélie

La gourmandise est une histoire de famille chez moi, transmise de mère en fille (pas plus tard qu’il y a 10 minutes, ma mère a tenté de m’appâter àcoup de chocolat) et maladroite décoratrice que je suis, je suis aussi une maladroite cuisinière qui aime se prendre pour le chef.
Alors dès que le cÅ“ur m’en dit, je pique le tablier de maman, ses
ustensiles, ses livres magiques (elle en a un bon paquet, cachés un peu partout) et je détourne sa collec de cocotte en porcelaine qui me fait flipper (lol) et hop je cuisine !

J’adore cuisiner ! Enfin tenter, car il faut dire avant tout, que je me
lance toujours dans des recettes époustouflantes sans vérifier auparavant si j’ai tous les bons ingrédients et donc me voilàun aprèm de juin (il y a de ça une bonne année) devant une photo incroyable de charlotte aux fraises.
Qu’est ce qu’elle était belle cette charlotte aux fraises ! J’en ai encore
les yeux tous brillants je suis sà»re ! (c’est ce que mon chéri me dit lorsque je raconte cette histoire...).
Je
me rappelle les fraises énormes, d’un rouge profond.
Elles donnaient trop envie ces coquines et alors le biscuit rose de Reims et cette crème et puis ce beau nÅ“ud de soie tout autour, tellement Marie-Antoinette ! Bref, il me fallait ce dessert ! ! !
Je m’approche donc de la fiche technique et làdevant la liste longue comme un jour sans sexpistols de choses àavoir et àfaire, je commence àdouter de moi et toute mon excitation retombe d’un cran.
Mais oh malheur pour moi, en tournant la page, je découvre d’autres photos et maman ce gâteau il me le fallait...
Oui, je devais le tenter, le réussir et le manger...muahahaha ce gâteau
serait mon Mont Everest !
(Oui, je suis toujours théâtrale dans n’importe quelle tache de la vie
quotidienne, je sais ça fatigue...)
Je me jette alors sur mon frigo et mes placards et après avoir fouillé et
fouiné, je me rends compte, debout sur la chaise, le sucre et la farine en main, qu’en gros, il me manque bien la moitié des ingrédients... je décide alors d’aller faire les courses et après une longue négociation avec mon papa (qui est le seul àavoir le permis...), je fonce vers Champion.
J’achète les fraises (1 tonne au moins... Je ne me nourrirais que de fraises si je pouvais...) J’achète la crème, passe 3/4 d’heure devant la
gélatine... En fait je passe 20 minutes àglisser entre les rayons avec mes ballerines pour TROUVER la gélatine...
J’hésite entre plaque ou poudre et finis par prendre les deux et termine
tranquillement mes achats en pestant comme c’est pas permis contre la terre entière lorsque je m’aperçois qu’ils n’ont pas chez Champion près de mes parents (sud de la France) de biscuits roses de Reims alors qu’àParis (làoù je vis àl’année), on en trouve même àl’épicerie du coin le samedi soir à1h du matin...
Pour au final me rendre compte que j’avais raté le paquet...
Comme quoi effectivement, "je ne trouverais pas de l’eau àla mer"...
Bref, les achats dans le coffre, un grand sourire àpapa àpeine exaspéré et nous voilàdirection la maison et toute heureuse de pouvoir enfin me lancer, je file dans la cuisine et installe le chantier.
Pour ce dessert, il me fallait :

*Ingrédients pour 6 personnes :*

20 mini biscuits roses
5 biscuits roses, barquettes

*Ingrédients pour le sirop de fraises :*

100 g de purée de fraises
50 g de sucre
1 cuillère àsoupe d’arôme eau de rose

*Ingrédients pour la mousse de fraises :*

150 g de purée de fraises
1 jaune d’oeuf
40 g de crème liquide
30 g de sucre
6 g de gélatine
150 g de crème fouettée
200 g de fraises coupées en deux + 100 g pour la déco

... Je déballe tout, je pèse, organise et ne lésine pas sur les quantités
(généreuse la gourmande !) et commence par le sirop de fraise.

*Préparation du sirop de fraises :*

Mélanger àla purée de fraises, le sucre et l’arôme eau de rose.
(ok, ça c’est facile même si l’arôme "eau de rose" je panique un peu
m’imaginant déjàpiquer la lotion du matin pour aérer la peau de maman... Ouf, elle en avait.. comment ? Je ne me l’explique toujours pas)
Réserver au réfrigérateur 1 heure.

À ce stade, je me demande déjàsi j’en verrai la fin... une heure c’est long mais alors quand je lis la suite...

*Préparation de la mousse de fraises*

Faire tremper la gélatine dans un grand volume d’eau.
(donc plaque hein ! Mon père passe par làet me dit..."Et la poudre c’est pour ?"... Éviter de lui répondre, c’est la clef !)
Travailler le jaune d’oeuf avec 30 g de sucre, le mélange doit doubler de volume et blanchir.
Chauffer les 40 g de crème, verser sur l’appareil Å“uf-sucre.
... J’aime l’odeur du sucre mélangé au jaune d’Å“uf,
C’est étrange mais je salive toujours et puis il y a ce crépitement des
grains de sucre qui s’écrasent contre la cuillère en bois...
Cela me rappelle mon enfance quand maman cuisinait et qu’elle nous laissait lécher la pâte dans la terrine.
Mon frère m’arnaquait toujours en prenant la plus grosse cuillère car
soit-disant la plus grosse, c’est pour l’aîné ! ...

Remettre sur le feu et cuire àla nappe (feu doux).
Ajouter la gélatine égouttée, puis la purée de fraises.
Laisser refroidir.
Fouetter 150 g de crème, la mélanger délicatement àl’appareil de fraises.

*Montage de la charlotte :*

Poser un cercle àpâtisserie de 18 centimètres de diamètre, sur une tôle chemisée de papier sulfurisé.
Mettre le rhodoïd àl’intérieur du cercle.
Tapisser le fond du cercle avec les biscuits barque, trempés dans le sirop de fraises.
Recouvrir d’une couche de mousse, déposer la moitié des fraises sur la
mousse, puis une couche de mousse, une de fraises, terminer par la mousse.
Réserver au réfrigérateur 2 heures.

... Avant de monter la charlotte, j’étais déjàtrès fière de moi.
Tout s’était bien passé mais je savais que le plus difficile allait arriver
et je n’avais pas tort.
Déjà, faut savoir déchiffrer. "Cercle àpâtisserie" "Tôle chemisée"... Mis àpart le rhodoïd que j’utilise au boulot, j’étais légèrement larguée mais je me suis bien débrouillée.
Donc, pas de lézard, la recette maîtrisée d’une main de chef et tout ce
qu’il me faut sous la main et me voilàavec mon beau cercle...
Je regarde la suite et me lance dans la préparation des biscuits trempés dans le sirop de fraise... Et là, c’est le drame.
Les biscuits...

"Euh maman ?

 Oui ma chérie ?

 Tu n’aurais pas vu un paquet de biscuits ?

 Lesquels chéwie ?

 Maman ? Qu’est ce que tu manges ????"

Je vous laisse imaginer la suite et le triste sort de ma recette.
Ma mère, la traître, a mangé la moitié du paquet de biscuits, les trouvant tellement appétissants.
Certes, d’après elle, ils étaient un peu trop sec mais bon "àReims ils sont quand même forts pour les biscuits ! "

Alors voilà, ma recette de charlotte aux fraises s’est révélée être un
fiasco. Bien sà»r, j’aurais pu retourner chez Champion mais le cÅ“ur ne m’en disait plus et j’étais bien trop occupée àmenacer ma mère avec la cuillère en bois que du coup, j’ai laissé tomber.
Un jour promis, je retenterai l’aventure et j’espère bien d’ailleurs
devenir pro pour me la jouer devant ma Nina qui sera je le sens une
extraordinaire gourmande !
Mais en attendant voici, le résultat... Une Charlotte devenue tarte, ce
n’est pas banal non ?

Et si vous vous demandez quel est le rêve d’une gourmande et bien pour moi la réponse serait assurément ...
me retrouver en tête àtête avec un fraisier monumental et une petite
cuillère !
...
Merci pour ce petit moment "madeleine" ainsi qu’àtoutes les cocottes pour ce site trop chouette !

Bien cordialement,
lili

14 novembre 2011
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