Atelier des Alfabètes /9

Mercredi 8 décembre 2021. C’est Judith Perrignon qui mène l’atelier. Nous sommes douze autour de la table, le café est chaud, il y a des jus de fruits, des gâteaux et chacun se sert. Judith propose alors d’écrire en débutant nos phrases par : « Â dans ton verre, dans ta rue, dans ton cÅ“ur, dans un mois, dans le placard...  » L’ambiance devient très studieuse, tout le monde se penche sur la table, un stylo àla main. Nous voulions regrouper tous les textes débutant par les mêmes mots. Finalement, nous nous rendons compte que chaque texte avec ses enchaînements, a son identité propre et qu’il faut la respecter.


Dans mon cœur, il y a la bienveillance que m’ont apportée les gens du Samusocial. Des années àtraîner dans la rue. Au bonheur la chance. J’ai retrouvé une certaine sérénité. M’étant dévoué àl’humain pendant tant d’années. Vocation inutile, étant moi-même médecin, donc soi-disant àl’ÉCOUTE DU PATIENT. Grâce aux gens de la rue, j’ai pu retrouver une certaine tranquillité d’âme. De là, je peux redémarrer dans le même objectif : aider mon prochain. De la rue, je ne retiens que les morts. Combien de bonne volonté disparue ? Combien d’hommes de cœur, voire et surtout de femmes de cœur ? Malgré tout, l’espoir existe. Ce serait trop. La philanthropie, l’époque est àelle. Je reste vigilant.
Dans mon miroir, je me sens maintenant serein. Mon image ne me dérange pas. J’ai ma conscience pour moi ! (Merci Prévert, qui m’aime me suive !)
PS : Le passé au placard.
PS2 : Dans ma tête, il y a la paix.

Benoît


Dans mon placard, il y a beaucoup de papiers et de souvenirs. Il y a beaucoup de photos, mais pas de moi. Plutôt des photos de mes parents. Quand je voyais la photo d’une femme avec un enfant, une petite fille, j’imaginais que c’était ma mère et moi. J’ai décoré cette photo en lui faisant un cadre avec du fil doré, j’ai peint des motifs avec du maquillage. La femme sur la photo porte une très belle robe, elle est maquillée. La petite fille, c’est moi. On s’habille pour aller àune fête. Dans mon placard, il y a beaucoup d’histoires.

Nacera


Dans ton verre, pas de prétention
Dans la rue, je ne vois rien.
Dans la rivière, y a du poisson. Je pêche.
Dans mon cœur, j’écoute.

Dans un mois, j’aurai fini de peindre mon pastel.

Dans le placard, il y a des cartes de montagne et une boussole.
Dans ma tête, il y a deux opérations chirurgicales. 46 jours d’hôpital. Cicatrice de 5 cm.
Dans le miroir, la fatigue. Le manque de sommeil.

Dans un an, pas de changement. Comme chaque jour, malheureusement.

Dans le rétroviseur, je veux pas voir. Beaucoup de situations que je préfère oublier.
Dans mon sac, pourquoi un sac ?

Dans dix ans, des rêves.

Dans mon jeu, la première carte. Puis j’attends l’argent de la Banque postale.
Dans ma vie, couci-couça

Alexandar


Dans la rue, croyez-moi messieurs, mesdames, je connais beaucoup de monde, mais j’aime rester tout seul. Qu’est-ce que je vais leur raconter et qu’est-ce qu’ils vont me raconter après ces vingt-quatre ans que je suis en Europe ?
Quand je me suis fâché avec le genre humain...
Moi vraiment, je me suis fâché avec moi-même.

Rachid Zouad


Dans un mois, ma fille va accoucher.

Dans le placard, j’ai voulu mettre des jeux de lumière de toutes les couleurs, j’ai pensé que ça pourrait être une bonne idée pour les enfants.
Dans le miroir, je me voyais mal coiffée, je me suis précipitée pour l’arranger avant d’aller àla fête du village.

Dans un an, j’aurai 60 ans.

Dans tes yeux, je voyais que tu étais amoureux, j’en ai profité pour te regarder àtravers le rétroviseur, j’ai pris mon téléphone dans le sac, pour te filmer en cachette.

Fatoumata

13 janvier 2022
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