Octave Mirbeau à l’honneur

Galerie Aller Simple, en mai dernier, quand les membres du Groupe d’entraide mutuelle (GEM, pour les amateurs d’acronyme) m’ont demandé des conférences et des ateliers d’écriture, j’ai spontanément proposé qu’en septembre, Mirbeau serait à l’honneur. Ses différents registres – interview imaginaire, éloge grotesque, satire sociale, scénettes prises sur le vif – se prêtent particulièrement à des exercices d’écriture et de lecture, ainsi qu’aux échanges, aux discussions et au rire. Surtout, Mirbeau aiguise l’esprit critique et, sans tomber dans l’anachronisme de mauvais aloi, il nous parle.

Finalement, ma présentation de Félix Fénéon a précédé celle d’Octave Mirbeau. De tempérament opposé (le premier optant pour la discrétion, voire l’anonymat, le second « batailleur » et haut en couleur), ils ont partagé plusieurs combats : l’anarchisme, l’antimilitarisme, l’anticolonialisme et la bataille en faveur de Dreyfus. Mirbeau, pamphlétaire redoutable et redouté, très célèbre en son temps, s’est pourtant vu relégué aux oubliettes, peu après sa mort, en 1917. Il faut dire que nombreux (ceux qu’il n’avait cessé d’éreinter) avaient à y gagner, a fortiori pendant la Première Guerre mondiale. Sa pièce, Les Affaires sont les affaires, a connu un immense succès, en France, mais aussi en Allemagne et en Russie, de même une autre comédie, Le Foyer, écrite avec Thadée Natanson après l’aventure de La Revue Blanche. Les livres de Mirbeau ont eu droit à de très gros tirages : 156 000 exemplaires pour Journal d’une femme de chambre (publié par les éditions de La Revue Blanche), rien qu’en France, et plus d’une vingtaine de traductions.

En 1912, quand Mirbeau a vendu quelques pièces maîtresses de sa collection (dont Iris de Van Gogh), c’est à Félix Fénéon, directeur artistique à la galerie Bernheim, qu’il a fait appel. En 1919, lors des ventes aux enchères des tableaux et des sculptures, mais aussi des manuscrits et de la correspondance de Mirbeau décrétées par sa veuve, Alice Regnault, c’est à nouveau Fénéon qui a rédigé les deux derniers catalogues, exclusivement consacrés aux œuvres d’art (dont Le Père Tanguy de Van Gogh, L’Homme assis de Rodin, Le Conciliabule de Camille Claudel, Le Jardin d’Octave Mirbeau à Damps de Pissarro). On ignore ce que Fénéon a pensé du « Testament politique de Mirbeau », publié le jour de ses obsèques en première page du Petit Parisien (quotidien populaire et belliciste que méprisait Mirbeau), avec en exergue : « Il faut qu’on découvre, comme je l’ai découvert moi-même, que la Patrie est une réalité », et en texte introductif : « Octave Mirbeau qui vient de succomber à une longue maladie. Nos lecteurs trouveront, dans la magnifique page que nous publions, la confiance en la victoire de la sainte cause française. »
À n’en pas douter, comme les proches de Mirbeau (Léon Werth, Francis Jourdain, Marguerite Audoux, Séverine), Fénéon était convaincu qu’il s’agissait d’un faux : faute de français dès la première ligne (« malgré que ») que n’aurait pu commettre Mirbeau, même affaibli ; clichés et styles emphatiques qui lui étaient totalement étrangers ; prétendu ralliement à « un parti » (ce dont Mirbeau s’était toujours gardé, comme Fénéon d’ailleurs). En réalité, ce document a été rédigé, à la demande de la veuve de Mirbeau, par Gustave Hervé, ancien chef de file des antipatriotes, auteur d’articles incendiaires contre l’armée et la police, qui avait tenu tête aux magistrats et bravé les condamnations (Hervé « l’emmuré », pour la libération duquel Mirbeau, mais aussi Anatole France et Victor Basch avaient signé des pétitions). Mais voilà, dès l’été 1914, Hervé avait retourné sa veste. Il était rentré dans le giron de la mère-patrie, s’était réconcilié avec les ennemis d’hier et avait rebaptisé son quotidien révolutionnaire La Guerre sociale en La Victoire !


L’Épidémie, pièce en un acte (1898)

Si la lecture du procès Fénéon par des membres du GEM était relativement aisée, il en allait tout autrement pour des extraits de la pièce de Mirbeau, L’Épidémie. Il faut dorénavant en parler au passé puisque l’annonce d’un second confinement nous a stoppés dans notre élan, et ce, dès la deuxième séance. Cette pièce s’inspire d’un fait réel : une épidémie de typhoïde, à Lorient, au cours de laquelle Mirbeau avait effectué un reportage. La scène se déroule lors d’un conseil municipal, au moment où l’épidémie frappe les casernes et menace les quartiers pauvres d’une ville maritime, réunion qui tourne vite à une dénonciation en règle du cynisme mortifère des politiciens, pour qui le sort de certains administrés est le cadet des soucis :

Le maire : - « Le mal ne s’attaque qu’aux simples soldats et aux sous-officiers, comme toujours ! »
Le membre de la majorité : « - Si les soldats n’ont pas d’eau (empoisonnée par le purin des étables) qu’ils boivent de la bière ! »
Le membre de l’opposition : « - Si les casernes sont malsaines (véritables foyers d’infection qui menacent les environs), eh bien, qu’ils campent ! […] S’il n’y avait pas d’épidémies, Messieurs, où donc les soldats apprendraient-ils aujourd’hui le mépris de la mort... et le sacrifice de leur personne à la patrie ?! »

À l’unanimité, les membres du conseil décident qu’il est hors de question de débourser des crédits, mais lorsque tombe la nouvelle qu’un bourgeois inconnu vient de mourir, ils font volte-face et se lancent dans un grotesque éloge de la victime :

Le maire : « - Un bourgeois vénérable, gras, rose, heureux ! », « plus qu’un homme, un principe social, Joseph (comme il a baptisé cet inconnu) nous aura donné l’exemple, le haut et vivifiant exemple d’une vertu — ah ! bien française, celle-là — d’une vertu qui fait les hommes forts et les peuples libres... l’Économie ! … L’Épargne, dont Joseph aura été le constant et vivant symbole. »
Le membre de la majorité célèbre en Joseph « le petit rentier », ce « quelque chose d’impersonnel, d’improductif et d’inerte. »
Un conseiller éclate en sanglots : « - quel malheur ! », tandis qu’un autre conseiller glisse tout bas à son voisin : « - Moi, je pars demain », à quoi ce dernier répond : « - Moi, je file ce soir. »

Les autres tirades sont dans la même veine, celle de l’éloge paradoxal, un des registres de prédilection de Mirbeau qui s’en prend également aux pseudo-autorités scientifiques en la personne du docteur Triceps, lequel avait d’abord rejeté toute mesure pour faire face à l’épidémie (aux motifs que « les ressources budgétaires de la commune ne doivent être subordonnées aux ruineuses fantaisies de savants et aux caprices d’une science qui se dément constamment »), avant de retourner sa veste et de déclarer :

« Messieurs, il ne faut pas nous laisser abattre par cette mort imprévue et irrégulière, anti-scientifique même, comprenez-vous ? Nous devons lutter ! Aux circonstances douloureuses, opposons les résolutions viriles ! Aux périls qui nous menacent, l’énergie qui en triomphe ! Guerre aux microbes ! Guerre à la mort ! Vive la science ! »

Le conseil, pris de panique, vote à l’unanimité des crédits pharaoniques. Seul le plus âgé de l’assemblée, au grand dam de l’assistance, outrée par de tels propos, demande : « Mais où trouverons-nous tous ces millions ?! »
On peut lire l’intégralité de la pièce sur le site du Libre Théâtre, de même voir ou écouter en ligne plusieurs représentations de L’Épidémie (jouée une première fois au Théâtre Antoine, le 14 mai 1898, en pleine affaire Dreyfus). Parmi les vidéos, ma préférée est celle d’un comédien, en avril dernier, dans le cadre du projet participatif « Journées confinées, lectures partagées » (Maison du Théâtre Amateur), lisant devant son écran la première partie de la pièce.


« La grève des électeurs », Le Figaro, 28 novembre 1888

En 2017, le centenaire de la mort de Mirbeau a été l’occasion de mieux connaître son œuvre et ses combats. L’hommage du musée Rodin (artiste admiré par Mirbeau qui a lui consacré quantité d’articles plus dithyrambiques les uns que les autres) s’était limité à un couloir et à un dépliant. Toujours mieux que le musée d’Orsay et la Comédie-Française qui n’avaient pas voulu en entendre parler (les démêlés de Mirbeau avec la Comédie-Française pourraient d’ailleurs faire l’objet d’une pièce aussi désopilante qu’instructive).
Le début de ce centenaire, en pleine campagne présidentielle, avait coïncidé avec la réédition de La grève des électeurs, pamphlet en devantures de nombreuses libraires et dont la presse s’était fait l’écho. Mirbeau y dénonce les candidats, tous des « roublards », des « désœuvrés », pas un pour racheter l’autre ni pour se « dévouer à une authentique œuvre d’humanité ». Il brocarde « le suffrage universel », qualifié de « mortifère », dont l’objectif est d’aliéner le « troupeau docile » des électeurs et de les conditionner au respect de l’ordre établi. Pour Mirbeau, la démocratie représentative et parlementaire n’est qu’une « duperie », destinée à asservir le peuple en lui faisant croire qu’il est souverain. En d’autres termes, voter revient à consentir « librement à son propre asservissement ».

On peut se demander pourquoi Mirbeau s’est particulièrement acharné à délégitimer les républicains. Pour le comprendre, il faut se rappeler ce qu’était la IIIe République : « monopole d’une bourgeoisie aussi égoïste, mais moins décorative, que l’ancienne noblesse », « asservie au capitalisme » ; une République bâtie sur « vingt-cinq ans d’opportunisme » et qui n’est « autre chose que le marchepied de sordides ambitions » peut-on lire sous la remarquable plume de Francis de Pressensé dans sa brochure, « Notre loi des suspects », publiée dans la tout aussi remarquable Revue Blanche que dirigeait Félix Fénéon.
Chez Mirbeau, nous avons quantité de portraits-charge de politiciens, mais l’un des plus réussis me semble être celui d’un dénommé Eugène Mortain, dans Le Jardin des supplices, qui avait cette « faculté merveilleuse de parler », sans se lasser, sur n’importe quel sujet, sans jamais exprimer la moindre idée :

« Son intarissable éloquence déversait la suicidante pluie du vocabulaire politique. Serviable, quand cela ne lui coûtait rien, généreux, prodigue même, quand cela devait lui rapporter beaucoup, arrogant et servile, selon les événements et les hommes, sceptique sans élégance, corrompu sans raffinement, enthousiaste sans spontanéité, spirituel sans imprévu, il était sympathique à tout le monde. Aussi son élévation rapide ne surprit ni n’indigna personne. »

Ce portrait est celui d’un « opportuniste », comme on appelait les républicains modérés sous la IIIe République. L’occasion de rappeler que le début de celle-ci, dont le 150e anniversaire a été récemment célébré, fait inédit (et de manière aussi symbolique que solennelle, au Panthéon), n’était pas seulement Gambetta, Sedan et la chute du Second Empire, mais aussi l’humiliante défaite de la France face à la Prusse, la Commune de Paris et Adolphe Thiers, premier président…


« Le concombre fugitif », suivi du concombre et de la citronne masqués

Pour certains, dont j’ai fait partie, le premier confinement a été l’occasion de découvrir une activité extrêmement bénéfique, thérapeutique même, permettant ce tour de force de ne penser à rien : le jardinage. À deux membres du GEM, Thierry Martinez et José da Costa, qui ont entrepris de cultiver le lopin de terre qui jouxte la galerie, j’ai présenté un Mirbeau moins connu qui disait avoir « une religion » pour les fleurs et qui a écrit à son ami Monet, au risque de le froisser : « Il n’y a que la terre. Moi, j’en arrive à trouver une motte de terre admirable et je reste des heures entières en contemplation devant elle. Et le terreau ! J’aime le terreau comme on aime une femme et les belles couleurs qui naîtront de là ! Comme l’art est petit à côté de ça ! Comme il est grimaçant et faux. »
À ces adeptes du jardinage, j’ai donné à lire Le concombre fugitif de Mirbeau, qui commence en ces termes : « Je vous dirai que j’aime les fleurs d’une passion presque monomaniaque. Les fleurs me sont des amies silencieuses et violentes, fidèles. Et toute joie me vient d’elles. » Le narrateur, passionné d’horticulture et en quête d’un silphium (une vivace originaire des États-Unis), se rend sur les conseils d’un botaniste chez un jardinier de Grandville, Hortus, « une espèce d’original » qui ce jour-là est occupé à féconder un hibiscus en lui jouant du cornet à pistons. Son but ? Que l’hibiscus, de rage, féconde de travers et donne « des graines d’où sortira une espèce de monstre cocasse ». Le père Hortus n’a pas le silphium recherché, mais il a bien plus curieux, le concombre fugitif, qu’il entreprend de débusquer :

« - C’est là ! Ah ! C’est un concombre impayable que le concombre fugitif !... A le voir, il n’a rien de particulier... Mais dès qu’on veut le prendre... il fiche le camp... il s’en va au diable... impossible de le manier... […] Est-ce curieux, tout de même ! Un concombre ! Attendons un peu, il ne va pas tarder à revenir. »
Je ne savais pas si le père Hortus était véritablement fou ou s’il voulait me mystifier, et je me disposais à interrompre ma visite, quand, tout à coup, le bonhomme se précipitant à plat ventre, dans la planche de fleurs, cria :
« - Ah ! gredin ! Ah ! misérable ! »
Et je vis sa main noueuse cherchant à étreindre quelque chose qui fuyait devant elle, quelque chose de long, de rond et de vert qui ressemblait, en effet, à un concombre, et qui, sautant par petits bonds, insaisissable et diabolique, disparut, soudain, derrière une touffe…

Au printemps dernier, je m’étais demandé si Nikita Mandryka, l’auteur du célèbre Concombre masqué, avait lu Le concombre fugitif – qui a d’ailleurs une suite, Explosif et baladeur, sous forme d’adresse à Alphonse Allais. Il n’en est rien, ai-je ensuite appris en lisant la préface de Vache tachetée et concombre fugitif (sélection de contes récemment éditée chez L’Arbre vengeur), le dessinateur Mandryka ayant imaginé le personnage de sa cucurbitacée dès l’âge de douze ans. Quelques mois plus tard, lors de l’exposition « De la géométrie à l’art singulier », découvrant les œuvres d’art brut d’un membre du GEM, Gilles Costerg, en l’occurrence sa Citronne masquée (réalisée en 2018 à partir d’objets et de matériaux recyclés), je lui ai bien évidemment demandé s’il faisait allusion au concombre masqué. Là encore, il n’existe aucun lien.


Les combats d’Octave Mirbeau

À ceux intéressés par le parcours de Mirbeau, j’ai brièvement exposé ses combats et les institutions qu’il n’a cessé de brocarder : l’armée (son antimilitariste remontant à la guerre franco-prussienne de 1870-71 durant laquelle il avait été mobilisé), l’église et les écoles religieuses (après une scolarisation chez les jésuites assimilés à « des pourrisseurs d’âme » et à « des déformateurs de l’intelligence »), les tribunaux (avec cette phrase de Tolstoï qu’il aimait citer : « Quand je pense qu’il existe des hommes qui osent juger des hommes, je suis épouvanté, et un grand frisson me prend. »), les affaires (« brigandage légalisé »). Autre bête noire, la charité et les œuvres de bienfaisance (auto-congratulation et exploitation éhontée de la misère effroyable, juteux business qui ne s’attaque pas aux racines du mal).

Son ralliement à l’anarchisme s’explique surtout par un rejet du pouvoir sous toutes ses formes, un individualisme revendiqué, une extrême méfiance à l’égard des partis et des organisations, ainsi qu’une forme de défense spontanée des pauvres et des opprimés. Professionnel de l’écriture (le tirage d’un journal augmentait en moyenne de 20 % avec sa signature), son arme était « la propagande par le verbe ». Il est vrai que Mirbeau comptait parmi les journalistes les mieux payés, d’où son surnom, « le milliardaire rouge », n’empêche qu’il était devenu un électron libre, un franc-tireur, qui ne s’en laissait plus imposer par les « marchands de cervelles », comme il appelait les patrons de presse et les directeurs de théâtres. Contrairement à Fénéon, Mirbeau n’était pas partisan de la « propagande par le fait » (les attentats ciblés), encore qu’il ait écrit : « La société aurait tort de se plaindre. Elle seule a engendré Ravachol. Elle a semé la misère : elle récolte la haine. C’est juste. » (L’Endehors, le 1er mai 1892). De même, six ans plus tôt (dans La France, le 16 octobre 1886), ce dialogue entre un passant et un ouvrier affamé :

Le passant : Que vas-tu faire ?
L’ouvrier : Je marcherai encore, je frapperai encore aux portes des riches…
Le passant : Et si les portes se ferment à ton approche ?
L’ouvrier : Je demanderai l’aumône sur les grandes routes.
Le passant : Si l’on ne te donne rien ?
L’ouvrier : Je m’embusquerai sur les chemins nocturnes et je tuerai.
Le passant : Dieu t’a refusé le droit de tuer.
L’ouvrier : Dieu m’a donné le droit de vivre.
Le passant : Dieu te garde, l’ami.

En 1895, quand Oscar Wilde est condamné et incarcéré pour homosexualité, Mirbeau rédige deux articles dans le Journal (quotidien qui tire à six cent mille exemplaires) afin de dénoncer la « gangrène morale » qui caractérise les sociétés bourgeoises, cette « pourriture » qui conduit à la chasse aux génies et à « l’affreux supplice » d’un « parfait artiste » et d’un « esprit libre ». C’est également au nom de l’éthique et de la justice que Mirbeau s’est jeté à corps perdu dans la bataille en faveur de Dreyfus, dénonçant « la sainte alliance du sabre et du goupillon ». Il a commencé par prendre l’initiative d’une pétition d’intellectuels (appellation qui apparaît durant l’affaire Dreyfus). Puis, quand Zola a été contraint de s’exiler à Londres, condamné à un an de prison pour la publication de « J’accuse », Mirbeau a réglé de sa poche les 3000 francs d’amende qui permettaient d’éviter la saisie de ses biens. Il n’a cessé de courir les meetings, de tirer à boulets rouges sur les antidreyfusards et a fourni à L’Aurore une cinquantaine d’articles (dont certains ont été réédités sous le titre Écrits politiques par les éditions de L’Herne). Dans ses Souvenirs de l’affaire, Léon Blum allait évoquer Mirbeau du temps de La Revue Blanche, « qui aimait l’action et la mêlée, généreux et surtout pitoyable parce que la vue et l’idée de la souffrance, souffrance d’un homme, souffrance d’une bête, souffrance d’une plante, étaient littéralement intolérables à son système nerveux ».

Parmi les autres institutions régulièrement dénoncées par Mirbeau, la croix de la Légion d’honneur, cette « déshonorante breloque » qu’Émile Zola s’était vu décerné en 1893 (ordre dont il fut suspendu après la publication de « J’accuse »). De même, l’Académie française, à laquelle Émile Zola a candidaté, postulant à pas moins de dix-neuf reprises, en vain. Mirbeau n’y voyait qu’une institution « baroque et caduque », « rétrograde et anachronique », qui s’est « à jamais déshonorée en refusant Balzac, Stendhal, Flaubert, Théophile Gautier, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire » (voilà qui donne envie de relire Le livre bouffon. Baudelaire à l’Académie française d’Allen S. Weiss). Pour Mirbeau, vouloir entrer dans cette institution mortifère, c’est se condamner en tant qu’écrivain.
Au tournant du siècle, il est toutefois devenu membre d’un autre cénacle littéraire, l’académie Goncourt, conformément au vœu testamentaire d’Edmond de Goncourt. Aucun de ses candidats (Paul Léautaud, Valéry Larbaud, Charles-Louis Philippe, Léon Werth dont il a préfacé La Maison blanche) n’a toutefois obtenu le prix. Dépité et furieux, Mirbeau a constaté être en présence d’une « assemblée de médiocres qui ne cherchent jamais dans leur choix qu’à couronner des écrivains inférieurs à eux-mêmes ». Il est tout de même parvenu à faire obtenir le prix Femina 1910 à Marie-Claire, roman autobiographique de Marguerite Audoux (qui avant d’être romancière, avait été tour à tour bergère, servante et couturière) dont il a rédigé la préface.

Autre combat de Mirbeau, plus ponctuel, et qui pourrait le faire passer pour un précurseur : la cause environnementale. Lors d’un séjour à Menton (comme mentionné dans mon diaporama de Félix Fénéon, au bas du tableau de Monet, Vue du cap Martin), il s’est emporté contre un « projet d’embellissement ». Il a également dénoncé la pollution par épandage des égouts parisiens dans les environs de Poissy, pointant du doigt une caste qu’il exécrait, celle des ingénieurs et des prétendus experts, à l’instar d’un personnage précédemment évoqué et qui parcourt son œuvre, Triceps, caricature du pseudo-scientifique pour qui « la pauvreté est une névrose ».
Ces préoccupations environnementales n’avaient toutefois rien d’inédit ni d’exceptionnel, les questions de pollution urbaine, d’épuisement des sols, de propagation d’épidémies, ou encore du statut de l’animal (cause chère à Mirbeau) étaient abondamment débattues. Un exemple parmi tant d’autres : Mirbeau était adepte de la bicyclette, tout juste inventée, mais aussi adepte de l’automobile, autre nouveauté en laquelle il voyait un instrument de liberté et à laquelle il a consacré un livre, La 628-E8 (numéro d’immatriculation de sa C.G.V). Ce récit de voyage, qui mélange les registres, est un hommage à l’ère nouvelle de l’automobile, mais Mirbeau pointe aussi du doigt ses travers : « Place au Progrès ! Place au Bonheur ! Et pour bien leur prouver que c’est le Bonheur qui passe, et pour leur laisser du bonheur une image grandiose et durable, je broie, j’écrase, je tue, je terrifie ! » Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler qu’à l’époque de Mirbeau, la voiture individuelle avait beaucoup moins de partisans (les happy few qui pouvaient se l’offrir) que de détracteurs (ce que souligne l’historien Jean-Baptiste Fressoz, les principaux arguments invoqués étant le coût de la maintenance des routes, la concurrence avec le réseau ferroviaire et le nombre d’accidents de piétons).


Mirbeau et Dingo, son chien

En 1909, Mirbeau, souffrant, a apporté son soutien à Jean Jaurès et à Aristide Briand dans leur combat pour l’abolition de la peine de mort, rapportant dans les colonnes de L’Humanité, une scène dont il venait d’être témoin : Gare du Nord, Deibler, le bourreau attitré de la République (en fonction de 1899 à 1939), acclamé par une foule « en plein délire de meurtre ». À l’Assemblée, Briand, garde des Sceaux, avait le soutien de l’exécutif – Clemenceau, « premier flic de France », était abolitionniste (des extraits de La Mêlée sociale, livre auquel Mirbeau avait consacré un élogieux compte rendu, avaient été lus à la Chambre) et le président, Armand Fallière, graciait systématiquement tous les condamnés à mort. Les députés en ont décidé autrement (330 voix contre l’abolition, 201 pour).

Pour qui s’intéresse à ces questions, il est conseillé de se pencher sur les débats de l’époque, de même sur ceux relatifs au sort des animaux, lesquels étaient de haute tenue (très loin d’approximations et de raccourcis ensuite répandus). Selon Francis Jourdain, dont le témoignage recoupe celui de Blum : « Pour Mirbeau, anarchiste en qui revit un saint François d’Assise, injurier un oiseau, c’était franchir les limites de l’abjection. » Quand sa santé commence à décliner (« horrible chose que de vieillir »), il vit retiré, à la belle saison, dans sa vaste propriété de Triel-sur-Seine pour se consacrer à son livre, Dingo, son chien, animal détenteur de qualités chères à son maître : rébellion, fidélité sans soumission, vif goût de l’indépendance, don de lever le voile. Dans ce tableau de mœurs, y compris canines, doublé d’une satire sociale, Mirbeau tient l’infaillible instinct de l’animal pour supérieur à la raison dont se targue l’être humain. À ce dernier, il refuse d’ailleurs le monopole du langage (les animaux ont le leur, il nous est simplement inaccessible) : « Nous ne comprenons rien aux animaux, dit-il au journaliste Louis Nazzi. Nous les avons asservis, brutalisés, domestiqués, civilisés. Nous leur avons imposé nos volontés féroces, sans soupçonner qu’ils sont doués de sensibilité et d’intelligence et qu’ils possèdent un caractère d’une autre trempe que la nôtre » (Comœdia, 25 février 1910).

Au printemps 1912, Mirbeau, victime d’un accident vasculaire qui lui paralyse le côté droit, confie à Léon Werth le soin de terminer Dingo. Ils se connaissent depuis une dizaine d’années et Mirbeau admire le chroniqueur à « l’âme d’entrepreneur de démolition » (la formule est du peintre Vlaminck), qui a horreur des façades et des compromissions. Comme Mirbeau, étranger et hostile au « consensus mou », Werth, d’après Léon-Paul Fargue, « ne taquinait pas la nuance ». Ses colères et ses sorties furibondes contre la sottise et le mensonge étaient bien connues de ses proches. Mirbeau y fait allusion dans sa préface à La Maison blanche quand il compare son auteur à un « fauve », avec « sur l’échine cambrée ce petit frisson multiplié qui trahit la sensibilité ».
En 1922, dans un numéro des Cahiers d’aujourd’hui dédié à Octave Mirbeau, Léon Werth a tenu à rappeler « aux âmes basses » qui n’ont vu en Mirbeau qu’un « homme violent, incohérent dans ses sympathies et ses haines », qu’à « la source de son amertume, il y avait toujours une déception », celle d’un homme généreux et sincère, prompt à accorder sa confiance : « Nul n’était plus sensible que lui au magnétisme de l’individu. » « Il pouvait se réfugier dans les jardins et contempler les fleurs. Ceux qui l’ont vu dans le jardin de Claude Monet se pencher sur une échinacéa – il aimait à nommer les fleurs – comprendront. » Et Werth de considérer que « la grandeur et le tragique » de Mirbeau lui semble être cette « oscillation entre ce qu’il espérait des hommes » (au-delà des « moyennes combinaisons » et des « vertus hypocrites ») et sa déception ».

On peut voir Mirbeau filmé quelques instants, en 1915, dans Ceux de chez nous, un film de Sacha Guitry. À en croire ce dernier, Mirbeau serait mort dans ses bras, après l’avoir longuement embrassé et lui avoir glissé à l’oreille, en évoquant son métier d’acteur : « Ne collaborez jamais. » Voilà qui ne manque pas de piquant et Werth, qui n’avait pas pour habitude de mâcher ses mots, a tenu dans son journal de guerre (1940-1944) des propos on ne peut plus explicites sur la collaboration mondaine de Guitry (lequel a bénéficié d’un non-lieu, en 1947)


Écrits sur l’art (Mirbeau et Werth)

Galerie Aller Simple, je n’ai pas eu le temps d’aborder les écrits de Mirbeau sur Rodin, Monet, Pissarro, Gauguin, Van Gogh (« suicidé de la peinture » qui a « absorbé la nature en lui » au lieu de « s’absorber dans la nature »). J’ai seulement donné à lire à Michel Brylak, membre du GEM et qui a exposé plusieurs de ses toiles à la galerie Aller Simple, puis à Catherine Topall, Léon Werth. Le promeneur de l’art. Ainsi Werth aimait se présenter – ce qui n’est pas sans rappeler Fénéon se faisant passer pour « un vague promeneur à travers les lettres ».

Selon Léon Werth, Mirbeau adorait admirer, il était « un virtuose de l’admiration ». Des articles enflammés de Mirbeau n’ont pas manqué de provoquer des remarques sarcastiques de Fénéon dont les écrits sur l’art ne cessaient de se réduire au minimum. Mirbeau a d’ailleurs reconnu ce travers et fait amende honorable en parlant de Félix Vallotton : « Ce que je pense des critiques, je le pense de moi-même, lorsqu’il m’arrive de vouloir expliquer une œuvre d’art. Il n’y a pas de pire duperie : duperie envers soi-même, envers l’artiste […] Le mieux serait d’admirer ce qu’on est capable d’admirer, et ensuite, de se taire ! » Mais d’ajouter : « Nous ne pouvons pas nous taire. Il nous faut crier notre enthousiasme ou notre dégoût. Nous sommes d’irréparables bavards. »

Mirbeau, comme Werth, ont rejeté l’étiquette de « critique » – engeance jugée aussi « inutile que les ramasseurs de crottin de chevaux de bois » aux dires de Mirbeau, et Werth d’ajouter : « Quiconque a regardé un seul tableau, fût-ce une seule fois, est pour la vie protégé des critiques d’art. » Ils ne se sont intéressés à aucune école, à aucune doctrine ; leur relation était surtout une question de sensations et d’émotions (regarder un tableau comme on scrute un paysage), de sincérité et de franchise (leurs passions naissant souvent de rencontres avec les artistes).

Dans ses choix littéraires et artistiques, on a reproché à Mirbeau un certain conformisme, un manque d’avant-gardisme : il est passé à côté des Chants de Maldoror de Lautréamont et il a critiqué Erik Satie, surnommé Ésotérik Satie (ne s’en prenant toutefois pas à sa musique, Mirbeau n’était pas mélomane, mais à l’ordre de la Rose-Croix qu’il tenait, en athée qui se respecte, pour une vaste fumisterie). Werth s’est vu reproché d’avoir tiré à boulet rouge sur Picasso (mais Félix Fénéon n’a-t-il pas dit à ce dernier, en découvrant ses Demoiselles d’Avignon, qu’il « avait un grand avenir en caricature » ?) Il est vrai que les diatribes de Werth contre Picasso (l’artiste, jamais l’homme dans ses engagements politiques) n’étaient pas exemptes de mauvaise foi, n’en reste pas moins que sa dénonciation du « picassisme » et de la marchandisation de l’art restent d’actualité.


Léon Werth, autre insoumis

C’est à Mirbeau, dont j’ai lu ou relu une bonne partie de l’œuvre ces six derniers mois, que je dois d’avoir découvert les écrits de Léon Werth dont Saint-Exupéry admirait « la phrase solide », parce qu’elle est « un outil », « la rectitude de la démarche » qui est celle « d’un homme qui peut se contredire en apparence, mais ne se dément jamais ». Dans les années 1950, Werth a noté dans son journal : « Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je écrit ? Rien. » Puis, il a griffonné, peu avant sa mort : « Je suis un raté. Je ne le dissimule pas. Littérairement, je n’existe pas. » Le verdict est désabusé et totalement erroné, mais qui, parmi les lecteurs de Saint-Exupéry, se souciait (et se soucie encore) de connaître l’identité du dédicataire du Petit prince ? « Lettre à un otage » devait initialement préfacer le récit d’exode de Werth, Trente-trois jours, dont le manuscrit avait été confié à Saint-Exupéry en 1940, quand ce dernier était venu lui rendre visite dans son refuge jurassien. Pour une raison inconnue, la publication de Trente-trois jours n’a pas vu le jour. Quand Saint-Exupéry a remanié sa préface, il a supprimé des passages et caché l’identité de « l…˜otage », Werth, l’ami juif dont il redoutait l’arrestation dans la France occupée. Le récit inédit de Trente-trois jours a finalement paru aux éditions Viviane Hamy – éditrice à qui l’on doit la réédition des œuvres de Werth dans les années 1990.

Comme l’œuvre de Mirbeau (des inconditionnels exceptés), celle de Werth a connu de longues années de purgatoire. Dès que les librairies, en mai dernier, ont enfin été autorisées à rouvrir leurs portes, j’ai mieux compris pourquoi en lisant la biographie de Gilles Heuré, L’insoumis Léon Werth, 1878-1955. Ce dernier (dès l’épisode du faux testament de Mirbeau et l’abdication de Gustave Hervé) a toujours tenu en haute suspicion les propagandistes, les idéologues et les meneurs d’opinion. De plus, Werth était antifasciste, mais aussi, antistalinien, proche de Victor Serge – « position ingrate », « vous êtes un homme seul », « votre pensée devient très difficile à définir », lui a écrit l’éditeur Denoël à une époque où les écrivains étaient sommés de choisir leur camp. Werth n’en a jamais démordu, faisant preuve d’une lucidité et d’une probité d’esprit chèrement payée (pour s’en rendre compte, il est toujours bon de lire Georges Orwell devant ses calomniateurs).

En lisant Trente-trois jours, j’ai réalisé qu’en fuyant mon domicile parisien, mi-mars dernier, direction le Montargois, j’avais suivi le même itinéraire que Werth (bloqué et réfugié dans un hameau du Gâtinais) durant la débâcle de juin 1940. Le rapprochement est déplacé, pour ne pas dire inepte, mais à l’annonce du premier confinement, ne martelait-on pas que la France était « en guerre », que l’heure de la « mobilisation générale » avait sonné ?! Certains ont peut-être oublié. N’est-ce pas une des vocations premières de ce flot d’informations déversé quotidiennement ? On vient d’apprendre que du 5 mars au 11 mai dernier, les journaux télévisés auraient consacré 80% de leur temps d’antenne à la pandémie (matraquage en règle, misant sur la peur et le court terme, qui a permis d’éclipser les questions de fond, à commencer celles de biodiversité en danger, et quantité d’autres sujets).

Werth, sur les routes de l’exode, n’avait à sa disposition aucun moyen fiable d’information, mais il a observé autour de lui et livré un témoignage unique et dérangeant, d’une extrême lucidité sur cette page de l’histoire. Lors de mon dernier séjour dans le Montargois, mi-octobre dernier, je me suis rendue à Chapelon, dans le hameau perdu au milieu des champs où Werth avait trouvé refuge chez un paysan, Abel Delaveau, auquel il a rendu hommage. On m’a assuré que mon grand-père avait connu la famille Delaveau, mais je n’ai pas frappé à la porte des enfants, plus vraisemblablement des petits-enfants d’Abel (j’aurais dû leur écrire au préalable), me contentant ce jour-là de photographier le moulin décrit par Werth. Comme Chapelon est situé à trois kilomètres de la ville natale de mon père, j’ai eu envie de revoir la Bezonde, affluent du Loing dont Werth ignorait le nom, mais dont il a écrit que « le charme de Ladon (point de vue que je partage) est une rivière sans berges, qui passe entre les maisons, encadrée par des façades et des feuillages, une rivière intime ». Werth a ceci de remarquable qu’à sa façon de consigner de menus détails, pris sur le vif, les réflexions qu’ils suscitent, il mêle de minutieuses descriptions de la nature et des croquis de paysages. Finalement, il n’est pas surprenant qu’il ait considéré que pour comprendre qui était vraiment Mirbeau, il fallait l’avoir vu déambuler dans les jardins de Monet.


Propositions de lectures :

Concernant les débats sur la peine de mort et le sort d’animaux  : Gérard Baal, « Le débat de 1908 sur la peine de mort », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », hors-série, 2001 [en ligne, OpenEdition Journals] - Eric Baratay, « La souffrance animale, face masquée de la protection aux 19e et 20e siècles, Revue québécoise de droit international, 2011 [en ligne].

Pour les questions environnementales d’hier et d’aujourd’hui : Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Le Seuil, 2012 ; Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Le Seuil, 2012.

Pour l’anticolonialisme chez Mirbeau, peu abordé et qui nécessiterait un article à part entière : le deuxième chapitre du Jardin des supplices (« La fée Dum-Dum », diabolique invention anglaise, expédient qui résout de surcroît l’embarras des cadavres : une balle capable de traverser de part en part « douze Hindous vivants » dont il ne reste plus que « douze tas de chair en bouillie et d’os broyés ») – Le célèbre chapitre 9 des Vingt et un jours d’un neurasthénique, reprise remaniée d’un conte cruel, « Maroquinerie » (Le Journal, 12 juillet 1896) inspiré d’un entretien que le général Archinard (qui s’était illustré dans la conquête du Soudan, l’actuel Mali). Toujours dans le registre de l’humour noir, on peut écouter Âmes de guerre (contes publiés en 1909) dont la lecture est entrecoupée (clin d’œil malicieux) d’extraits de Gnossiennes d’Erik Satie (Contes 4.4 - Âmes en Guerre - Octave Mirbeau II LIVRE AUDIO).

De Léon Werth, Cochinchine, 1926, réédition aux éditions Viviane Hamy, 1997.
Ce réquisitoire contre le colonialisme prouve à nouveau la clairvoyance de Werth dont « la méthode » a consisté à se promener à pied, « manière de scandale pour les coolies-pousse », mais surtout, flâneries et curiosité hautement suspectes du point de vue des hauts fonctionnaires coloniaux, a fortiori en compagnie de l’opposant Nguyen-An-Ninh (lequel allait finir ses jours dans un bagne). Werth, à qui les autorités soviétiques venaient de refuser l’entrée en URSS, était soupçonné de « bolchévisme » – appellation pratique pour désigner « quiconque ne courbait pas l’échine ». Et de constater : « Je suis tenté de me demander s’il n’y pas point entre tous les gouvernements et ma propre personne une insurmontable incompatibilité. »

10 novembre 2020
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