Lectures à la Maison Cocteau mercredi 24 et jeudi 25 août
Lectures à la Maison Cocteau, à Milly-la-Forêt
Mercredi, de 14h30 à 15h30
Jeudi, de 14h à 16h
« Je construit une table, à vous, ensuite, d’y manger, de l’interroger ou de faire du feu avec. » écrit Jean Cocteau à propos du tournage de La Belle et la Bête.
Je lirai le journal qu’il a tenu durant toute la durée du tournage, du 26 août 1945 au 1er juin 1946. J’y mêlerai des fragments de mon propre journal de résidence.
Lire Cocteau.
Lire son journal de bord d’un film qui deviendra culte.
Plonger, le suivre, chaque jour ou presque, croiser les acteurs, les techniciens, traverser les décors, le château et les paysages, les studios, la salle de montage.
Découvrir comme j’ai été embarquée.
Comme la proximité ne se décrète pas mais advient. Cette sensation.
Pour une lecture dans sa maison. Pour y lire et y revenir lire. Venir avec , mon journal, et ma chaise, celle que je trimbale un peu partout au cours de cette résidence, m’installer dans chaque pièce un moment.
7 octobre 1945
Je m’acharne. Je continue. Et j’aime cet acharnement. Je ne peux pas dire qu’il me coûte. Mon travail est un travail d’archéologue. Le film existe (préexiste). Il me faut le découvrir dans l’ombre où il dort, à coup de pelle et à coup de pioche. Il m’arrive de l’abîmer à force de hâte. Mais les fragments intacts brillent d’un beau marbre.
Lorsqu’on pense au nombre de circonstances fortuites qui doivent se produire ensemble, à la même seconde, pour réussir une prise, on s’étonne de crier « Stop ». Ensuite ce prodige du hasard passe à d’autres dangers. L’indifférence des machines. Qu’une panne d’électricité survienne pendant que la pellicule négative se trouve dans le bain, le travail est perdu. On tremble sans cesse. (…)
J’ai une barbe blanche. Je ne m’en doutais pas. Eh bien, voilà ! J’ai une barbe blanche. Ce n’est pas grave. Le grave serait d’avoir une âme qui lui corresponde. Dieu merci, j’ai le sang rouge. Je le dépenserai jusqu’à la dernière goutte. Je n’économiserai rien.
Jean Cocteau
27 janvier 2016
J’envoie un mail au propriétaire qui vend une vieille chaise bois et cuir sur un site. Ils sont à Étampes, lui et sa chaise. L’affaire réglée, il repart à pied, je repars contente. Elle bouge un peu, mais elle est jolie petite et presque légère.
Tester et la chaise et l’idée de la chaise. Le corps assis dans le jardin et les phares de la voiture. Calculer le temps entre chaque prise. M’asseoir face au jardin noir de nuit.
Avoir un peu froid, continuer, regarder l’objectif droit dans son œil, parce que je sais que même de très loin, même pixélisé le regard importe.
Prendre mon visage entre les mains, sourire derrière les mains, et savoir qu’il suffit d’une ou deux pensées pour pleurer réellement, la tristesse si facile. Parfois imprévisible, parfois si évidente, sous les sédiments.
Pauline Sauveur
6 novembre 1945
Rien n’est plus beau que d’écrire un poème avec des êtres, des visages, des mains, des lumières, des objets qu’on place à sa guise. .
Jean Cocteau
4 décembre 1945
Deux journées folles, tendues, à se demander si personne d’autre s’acharnerait de la sorte sur un film. Mais je crois avoir raison, car il en résulte à l’image une violence, une chaleur, un remous de force, de poussières et de lumières.
Cela nous console des attentes interminables (...)
Jean Cocteau