QUAND ON SE PROMÈNE, ON EST PRÊTS-A-PORTER

Nous ne voyons pas ce que les hommes ont vu, la plupart ont disparu avec ce qu’ils ont vu. Rien ne nous montre ce que leurs yeux ont tracé dans l’espace. Il n’y a pas de lumière pour éclairer les éventuelles empreintes que leurs yeux intouchables ont laissés dans l’espace insaisissable.

Jean-Luc Parent

« Nous vivons et évoluons dans la lumière » . Même si l’illumination est par définition artificielle -pléonasme d’une obscure clarté.
Et parfois souterraine.
Le berger ne s’approche pas parce qu’il a entendu les clochettes. Il est en train d’écouter sa propre composition qu’il a préparé à l’aube en choisissant les sonnailles. Les animaux se sentent ainsi moins bêtes et moins fatigués.

La traduction, la traversée et le travail

En regardant un photogramme arrêté hors de son contexte, les mots stagnants et pour cela volants, on a découvert que la poésie – comme on le savait depuis toujours – c’est de la pêche. C’est la quiétude morbide où s’accumule l’expectative du mouvement et son accélération, tandis qu’on est traversés par des neutrinos en essaim. Ou c’est une révélation de la langue qui arpente la mémoire.

Devenir escaliéteur, en faisant des repos et plus de repos.
Comme le silence.
Le photogramme était le silence.
Mais quoi que ce soit
ce qui le déclenche,
le stoppage de l’information
devient la possibilité de.

Les langues sont des façons de garder les secrets.

Nous montons dans l’ascenseur qui vient du subcontinent.

Le troisième jour de la résidence je, tu, elle n’étions pas toujours assignées à.

Les romans réalistes tellement tendance
sont si inintéressants. On ne peut pas se laisser
enfermer entre leurs pages qui disparaissent
façon « journal d’hier ». On s’évade
d’un livre de ce genre, comme d’un foyer.

***

On n’a plus qu’à danser : claquettes !
Touches qui clapotent doucement,
laissant le soin du reste au soleil.
La lumière c’est l’espace, l’objet de luxe, la dépense,
ainsi que le goût de la vie délestée, nomade, frugale.
Par amour des particules,
par haine de ce qui transforme
chaque occasion de liberté, en produit.

Pour l’instant toute la pensée
aboutira à un plan d’action marketing.

***

5 pommes de Cézanne
5 poèmes
pour un brouillon
pour le bonheur de vivre.
Des oignons roses,
le ciel était lilas
et la terre violette.
Un sol de tristesse profonde
où le luxe est la lumière.
On est un nu couché à l’aube.
N’as-tu jamais pensé à la détresse,
à la perte des envies,
te survivant à toi-même ?

« As-tu parlé avec maman » ?
The ages/the edges :
closer and closer.

Les astérisques tu les avais pris des Chants de Maldoror, ce livre de la fin de ton adolescence prolongée en tant que mère. Si quelqu’un avait dessiné cette Maternité, ce dessin dirait en bas :

« Adolescente allaitant, lisant un adolescent »

La fuite a été interminable des deux côtés.

***

Je vis dans un autre monde.
Qu’on me donne pour morte ou disparue.
Chaque jour je continue à baver ma chrysalide.
Mon enveloppe détachée n’est pas tout à fait
la mienne, ni à moi.

***

J’avais amené au patio le filet de mandarines.

Une à une
je les ai pelées séparant les quartiers
qui éclaboussaient de temps en temps
leur joie faite
de lumière sucrée.

Il y avait un coin.
J’y étais punie
mais non toute seule.
Je regardais monter sur le mur céleste
le défilé des fourmis.

***

31 octobre 2016
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