Claire Le Michel | Conjugaison de corps en temps de confinement

Dans l’endormissement du soleil céder sa place laisser aller sans supplément d’âme sans instructions sages s’allonger songer prolonger le rêve se séparer de ce séjour terrestre s’étendre à l’infini du cillement de siècle sans se soumettre s’apprivoiser au sol à la vase au vers sans verser de larmes ni d’eau sur le feu s’abandonner à la trace à la distance à la dernière phrase à la disparition

Essoufflée de tenir debout
essoufflée de tenir le coup
de retenir mes larmes
essoufflée de tenir la route
de tenir la distance
alors que distancée
je suis
essoufflée de me tenir prête
à donner du secours
à perdre la bataille
essoufflée de tenir les mains
de ceux que je ne peux retenir
sur les rives des vivants
essoufflée de tenir ma langue
de contenir mes alarmes
à bout de souffle
à bout
toujours debout
je déchire la stupeur

j’ouvre mon cri

je l’éparpille
il se déploie
dans l’épaisseur du ciel

il gagne les cellules des astres

Mon cri
plaide pour épargner les désastres
Mon cri
cautérise les plaies du désespoir
Mon cri
dévore l’espace dans la douceur
vibrante d’une empoignade d’amour

Il est tard et je crie et ne cesse de croître
en écho d’espérance en la vie
et ne veux cesser de croire
et je crois que ce cri est un rêve qui sonne
pour éveiller ce qui a longtemps somnolé

Rincée de ciel

Épuisée de pluie

Essorée d’étoile à la course d’endormies

Quand minuit sonne Il ne reste de moi Qu’un filet de voix

29 avril 2020
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