Anne Kawala

Vidéo Arnaud Gautier.
Son additionnel : la pluie rue Dénoyez une nuit de mars 2015 (enregistrement SP 38).


nous sommes tou,te,s soldat,e,s et tou,te,s nous sommes général,e,s
conversant nous remontons la rivière denoyez jusqu’à notre disparition

il aurait dû y avoir des glou-glou
des sons captés de la piscine d’à-côté, la piscine Alfred Nakache,
et puis cette idée-ci s’est noyée dans la chaleur de cette après-midi-là,

mais des conversations et des marches, il y en eut

commune à chacune
ils veulent nous obliger à gouverner, nous ne céderons pas à cette provocation
dérivée, flottée, détournée,

il y eut l’eau de la langue, l’écoulement de l’eau de la langue et leurs trames vertes et bleues, leurs
béals, de l’eau au moulin, ses bipasses, leurs dérivations, ses gués, ses jetées et ses ponts, leurs piles, les contres, rappels, marmites, ses fascines, ses seuils, ses écluses, ses embarcations, leurs tirants, ses embruns, ses hautes-eaux, ses îles et leurs limons, leurs rives et leurs roselières, ses lônes, ses ressuis, ses talweg et ses veines d’eau lisse,
il y eut des vies et des continents traversées,
l’Histoire aussi, de fait, des faits quotidiens, le travail et l’amour,
quelque chose de la folie a percé,
ces sensations, ces retenues, ces plongées, ces remontées,

il y eut cette joie,
des conversations et des marches, il y en eut
jamais captées, racontées oui,
mais racontées comme elles ont été transmises,
dans la rue, debout ou assis, entre deux autres conversations,
entre deux autres récits,

cette joie,
il y eut les regards de celles et ceux qui regardaient celles et ceux qui discutaient et marchaient
il y eut des paroles échangées, il y eut un retour, il y eut au point d’arrivée-point de départ ce qui se poursuivait des conversations, parmi et peut-être avec celles et ceux qui avaient regardé,

comment le savoir, j’écrivais et apprenais à tenir une bombe,
ils veulent nous obliger à gouverner, nous ne céderons pas à cette provocation, Oaxaca, 2006

et rejetée d’un oui livresque, regret, la question qui fut alors lancée :
vous savez ce que c’est Oaxaca ?
il y eut cette tristesse
et il y eut celle de ne pas avoir pris en compte l’exacte topographie du commun à cet instant,

la disparition fut celle de l’événement lui-même, l’événement lui-même dans l’eau de la langue courant plus vite que l’événement prévu s’alimentant lui-même, le prévu devenant anecdotique face à ce qui avait lieu, ce qui avait lieu ne cédait plus son existence à la mise en scène,

il y eut cette joie,

Anne Kawala


Diplômée des Beaux-Arts de Lyon en 2005. Ses recherches explorent, entre formes narratives & documentaires, les techniques du montage et les questions que pose l’installation. Elles prennent comme formes celles de lectures et de pièces performées (notamment avec in,fi,nie, in progress, présentée entre autres à l’Akademie Schloss Solitude (Stuttgart), 2013 ; aux Beaux-Arts de Cherbourg, 2014 ; au Palais de Tokyo, 2015 ; à Montévidéo (Marseille), 2015) et de livres (Le déficit indispensable (screwball), 2015, Al Dante ; De la rose et du renard, leurs couleurs et odeurs, 2012, éd. c.i.p.M ; Le cow-boy et le poète (chevauchépris), 2011, éd. L’attente ; part &, 2011, éd. Joca Seria ; F.aire L.a F.euille, 2008, éd. Le clou dans le fer). Travaillant avec metteuses en scène, chorégraphes, musicien,ne,s et plasticien,nes, ses recherches prennent alors pour formes celles de dialogues performés, de pièces chorégraphiques (La nuit noire de l’iguane, 2015 ; random-walker, 2014 ; Ma belle entomologie, 2011) et théâtrales (Mars-Watchers, 2013 ; La terreur du boomerang, 2010), de court-métrages (Polygraphia, 2013) et de pièces radiphoniques (Las, sublime, 2012, matches, 2010). Co-dirige la revue en ligne RoToR. Plus d’informations sur http://anne.kawala.free.fr.

8 juillet 2015
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