Claire Le Michel | L’esprit des plantes
Tendons ou muscles ? Muscles et tendons. C’est tout ce qui s’exprime en moi dans la sidération d’après sommeil.
S’étirer ne change rien : je ressens les dissonances des muscles, des tendons, des ligaments. Mon corps est devenu carcan.
Pour aérer cette masse compacte, réinventer cette chair qui pèse, un secours est nécessaire : de l’air, de l’eau, des courants, des flots.
Je voudrais m’élancer… je me traîne vers la Seine. Le fleuve aussi est musculeux, il se presse tout en fibres et puissance, sans divaguer. A le considérer, je me fige ; mes fluides coagulent.
Un mouvement sur la droite capte mon regard. Mes cervicales crissent, je pousse mon bassin vers l’arrière et me trouve face à un être qui me fait signe d’un flottement négligent de ses feuilles. Un être qui saura m’aider à retrouver mon état liquide, à raviver mes couleurs saturées d’encre pâle.
Au pied du noyer l’étau qui me paralysait se desserre. Je m’arrime et l’arbre m’anime. La circulation de sa sève s’exprime jusqu’à la pointe de son axe et de ses feuilles. Elle l’irrigue par vagues irrégulières.
L’aspect ligneux et droit de l’arbre n’est qu’illusion. Il danse en circonvolutions. Dans la tiédeur de sa base, ma retenue craque et ses ondes se propagent.
Mon bras s’élève, prolonge une branche, enracine un nuage qui s’allonge. Ajustant mon axe au pivot du noyer, mes os tournent et reprennent leurs couleurs de santé : bleu et jaune. Le blanc est maladif. Bleu comme le morceau de ciel qui m’élance et jaune comme le feu de la terre qui me pousse à l’action.
Enfin je peux marcher, l’âme chevillée au corps.