Permutations : les retours des participantes
Du 10 au 12 juin, dans le cadre de sa résidence d’écrivain, Clyde Chabot a réuni 3 auteurs, Estelle Bertin, Marie-Pierre Cattino et Laurence de la Fuente, ainsi que Nathalie Jacquet (violoncelle) et Grace Milandou (flûte), deux musiciennes du Conservatoire à rayonnement intercommunal de Verrières-le-Buisson.
Lire la présentation des Permutations.
Lire quelques textes des Permutations.
Les retours des 6 participantes sur l’expérience vécue
Clyde Chabot
L’atelier était un peu court avec 2 jours et 1/2 au lieu de 3 jours.
J’aurais aimé profiter plus de la présence des 2 musiciennes.
J’ai une relation forte avec le violoncelle, une ancienne histoire avec cet instrument. Dans mes premiers spectacles, je travaillais avec une violoncelliste / actrice et nous avons exploré de nombreuses potentialités sonores et matérielles de l’instrument que j’aime particulièrement.
J’aurais voulu être plus en découverte ici des potentialités des deux instruments.
Mais dans cette Permutation, j’avais une urgence : dire ou ne pas dire sur le plateau mes prochains textes ? les transmettre ou non à une actrice ?
Mes textes sont encore très frais et j’avais besoin de les entendre pour les découvrir, et finaliser l’écriture.
C’était néanmoins extraordinaire et joyeux d’avoir 2 musiciennes avec nous. D’autant plus que nous allons poursuivre ensemble. C’était une belle possibilité de mieux nous connaître.
Estelle Bertin
Ce qui m’a intéressée, touchée, c’est la grande disponibilité de chacune pour se mettre au service des autres. Ce croisement d’univers, de compétences diverses. C’était magnifique.
C’est assez unique comme processus de travail. Cela m’a permis de réfléchir à mon propre parcours de création. Moi, je n’ai pas vraiment de ligne directrice, dans ma manière d’appréhender une création, je suis toujours à fond, dans l’intuition du moment. Mais j’ai le sentiment maintenant, en regardant les processus de création propres à chacune qu’il est très important pour moi de décortiquer mon propre processus : comment je construis ? Quelle brique je prends ? Comment je les pose les unes après les autres ? Quel ciment employer ?
C’était important d’y réfléchir, et essentiel pour moi d…˜avoir découvert cela et de me poser ces questions. Cela va me permettre de construire de manière plus précise, plus fine. Cela réinterroge ma façon de faire les choses.
Grâce Milandou
Une expérience enrichissante.
Accompagner les mots d’une autre façon rend disponible différemment et amène aux textes autrement.
Il s’agit de se relier aux autres comme dans une impro musicale sauf que sa présence au plateau implique autant de physique que de mental.
Un investissement où l’on prend plaisir à être couchée, assise ou debout selon les propositions.
Cela demande une attention bien particulière sur plein de paramètres.
Alors que l’on doit être concentrée sur l’intérieur en tant que musicienne, il faut se détacher de soi pour écouter les textes - sans doute la chose la plus difficile de passer de l’un à l’autre
Les improvisations musicales demandent alors une attention bien particulière d’écoute entre le dedans (son intérieur propre) et le dehors (les autres).
C’est un exercice délicat qui demande de la dextérité émotionnelle pour rester fixé sur soi en jouant et en écoutant les textes en même temps.
Le rapport au texte change sa propre écoute.
Parfois il serait plus aisé d’avoir le texte en amont.
Laurence de La Fuente
C’est toujours un endroit précieux. Ici nous ne sommes pas dans une logique de production. Cela permet d’y voir plus clair sur certains enjeux des créations en cours.
Avec une grande bienveillance, on tente de se mettre au service des autres “permutantes” à des endroits qu’on ne connait pas forcément. C’est la première fois que des permutations ont pour centre l’écriture. J’ai beaucoup apprécié de découvrir d’autres textes et de devoir rebondir en écriture sur ceux-ci. Ça ouvre à d’autres façons d’écrire, dans des univers très différents. Cela crée des brèches, des respirations dans son propre travail. C’est essentiel quand on est toujours pressé par le temps.
J’ai bien aimé ce travail entre corps et musique. Chacun s’est mis en position d’exploration chorégraphique, en lien avec les musiciennes. Cela m’a beaucoup aidée pour les explorations personnelles à venir.
Le fait que ce soit pluriel dans les écritures permet de vivre une sorte de condensé de résidences. Plusieurs réunies en une seule. Ce n’est pas une proposition à laquelle on à l’habitude de répondre. C’est un moment de partage artistique, en dehors de toute pression du résultat, et ça fait du bien.
Marie-Pierre Cattino
J’ai bien aimé que ces permutations soient un moment d’adaptation perpétuelle, d’improvisation de chaque instant. La présence des musiciennes m’a beaucoup apporté. La musique était toujours physique, toujours... dans le corps. Ça m’a fait voyager. Cette musique était vivante, incarnée et mouvante. Parfois, les sons des deux instruments se mélangeaient, et, on avait du mal à savoir d’où ils venaient. Ça m’a amusée d’essayer de suivre les sons. Mardi, Nathalie a demandé à ce qu’on lui laisse plus de place, plus de temps, nous avons dû travailler dans les respirations de la musique.
Dans les bilans apportés après chaque expérimentation, il y avait parfois trop de mots, on pouvait être submergées (ce qui n’est pas une critique négative).
Cette méthode de travail met le plateau de théâtre dans la salle d’écriture. Il a fallu partir du corps pour aller jusqu’aux mots et pas le contraire.
Même si je l’avais déjà un peu fait, j’ai bien aimé le travail sur l’intériorité avec le micro et improviser avec le micro.
J’ai vu du travail, tout le temps.
Parfois on pratique ce qu’on appelle l’écriture au bord du plateau, mais non, ici, c’était ce que je voudrais appeler l’écriture au centre du plateau.
L’attraction, c’était totalement la musique ! Le deuxième jour on était perdues sans musique. Mais le fait d’être perdue m’a fait travailler l’imaginaire, comment réinvestir l’absence de l’autre. Pas seulement suivre, mais faire un aller-retour.
Nathalie Jacquet
Cette rencontre tombe très bien.
Cette année, je me suis mise à travailler l’impro toutes les semaines avec un maître de l’impro.
Cette proposition me plonge à jouer seule.
Il y a aussi Grâce mais ça change par rapport à un groupe de 5 ou 6 dans lequel j’improvise généralement.
J’aurais bien aimé aussi faire plus longtemps. Des choses commencent à sortir aujourd’hui au bout de 3 jours. Je vois les pistes sur lesquelles je dois travailler : noter des bribes de chant, de morceaux classiques, de variétés, de traditionnel que je peux amener.
Je suis très heureuse de travailler. Et de vous voir travailler
C’est un laboratoire de travail ici.
Ça me fascine cette manière de voir. D’observer la manière dont vous travaillez.
L’exercice d’écriture je ne m’y attendais pas. Et d’en parler tout de suite après. Ça pousse à avoir une certaine distance avec son écriture. Comme si le texte avait une vie à lui. On n’a plus à en avoir honte. Comme un plat qu’on prépare et qu’on offre, comme un bébé qu’on lance et qui a sa vie propre.
J’ai aussi été très touchée par la manière dont tout est accueilli. Même si on n’a pas d’affinités avec ce que une autre personne présente, elle existe et elle est accueillie.