Tout commence !
Tout commence : je me tiens à cet endroit où les premières pièces du puzzle s’assemblent et tout peut arriver. Tout avait déjà commencé le premier jour de ma résidence, et même avant mais c’est aujourd’hui que je perçois le territoire précis de mon prochain roman, ce qui va s’y tramer, comment tout se relie, s’enchaîne et se nourrit.
Ma première phase a été de recherche pure, au prisme de mes trois héroïnes, tant je connaissais peu l’histoire, l’actualité et l’avenir de l’exploration spatiale, au-delà de la légende universelle et des quelques autres faits grand public. Un jour, le volume de ces informations a atteint son seuil critique, qui a déclenché la seconde phase : toujours au CDI du CNES, chaleureusement accompagnée par l’Observatoire de l’Espace, je lis de profil maintenant, d’un seul œil, stylo levé, prête à attraper tout détail imprimé qui fera étincelle, écho, ricochet vers ma fiction : de capsules spatiales carbonisées dans la steppe naît un pays concret ; de dizaines d’anecdotes soviético-russes, une attitude particulière face au danger ; du regard de Ham après son atterrissage, la nécessité d’une compagnie pour les vols longue durée en solitaire : animale, artificielle, autre ? Je débute mon quatrième mois de résidence, j’achève mon cinquième cahier de notes et d’images scotchées : ma fiction s’élance !
Bien sûr, ce n’est pas si simple. Comme le dit Nathalie Sarraute : “Les mots servent à libérer une matière silencieuse bien plus vaste que les mots.” C’est pour cette raison, justement, que ma description de ce processus en cours est si simple : une grande partie échappe à l’explication. Ajouté aux lectures que j’ai évoquées, mon effleurement de la théorie quantique happée par ma pratique d’écrivaine et appliquée à mes questionnements dramaturgiques provoque une métamorphose du monde vivant dans lequel je travaille, qui voit se juxtaposer toute chose et son contraire, qui fait fourcher l’espace et le temps, les redouble, les combine en territoires de fiction qu’elle fractionne à nouveau.
Ce frottement entre la physique, l’astrophysique, le sensible et l’écriture produit beaucoup d’étincelles partageables, aussi. J’ai eu la joie d’explorer sa richesse multiforme avec Samuel Gallet, Frédéric Sonntag et le public de la passionnante soirée « Question(s) de théâtre” menée par Dominique Paquet à la Maison des Auteurs de la SACD. Grâce à l’Observatoire de l’Espace, j’ai pu discuter avec deux spécialistes d’hypothèses précises : Michaël Vaillant, pour la méthodologie et les procédures du GEIPAN ; et Michel Viso, pour les primates dans l’espace et les perspectives de l’exobiologie… Tous deux m’ont orientée vers d’autres spécialistes, proposant que je les contacte de leur part. Multipliant les passerelles entre recherche scientifique actuelle et fiction littéraire, dans l’esprit de l’Observatoire de l’Espace, les portes continuent de s’ouvrir vers de nouvelles sources pour moi, tandis que j’écris les premières pages de mon roman.