Ryoko Sekiguchi | L’Astringent

On parle aussi de « couleurs astringentes », qui sont des couleurs sombres ou neutres, mates, mais de bon goût. Imaginez quelqu’un, homme ou femme indifféremment, qui porte un vêtement gris, tout
simple à première vue mais taillé dans un tissu de première qualité, teinté aux pigments naturels et de coupe raffinée. À cette personne vous pourrez dire : « Oh, quel goût astringent que le vôtre ! » Il s’agit là d’un compliment, rappelons-le.
Ce sont les trois usages les plus fréquents dans le langage quotidien, mais au-delà, la notion peut s’étendre à tout ce qui a trait à l’esthétique.
On parlera ainsi d’une musique, d’un roman ou d’un tableau astringent, du jeu astringent de tel comédien, d’une céramique astringente, voire du goût astringent de telle personne en matière d’art, d’habillement ou de décoration d’intérieur. C’est un goût qui distingue les objets discrets, les assemblages délicats, et qui, loin des extravagances baroques, voit la beauté dans les valeurs du retrait et de la sérénité.
Le seul domaine interdit à ce qualificatif, et pour cause, est celui de la gastronomie. Là, le mot shibui est rattrapé par son acception première, gustative, et il n’y aurait rien de plus étrange que de complimenter votre hôte pour son délicieux « gâteau astringent » !

(Lire un autre extrait de L’Astringent)





Ce texte est extrait de

L’Astringent

( livre à paraître aux éditions Argol

en mars 2012,
ISBN : 978-2-915978-79-7).

6 mars 2012
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