Écouen [Écotone]

On part d’Écouen, c’est la ville, l’extension des villes d’avant, Villiers-le-Bel, Sarcelles, Pierrefitte-sur-Seine, Villetaneuse, Saint-Denis, Saint-Ouen et, disons-le tout de go, Paris. Tout est une extension de Paris, Paris qui pousse et veut grandir en grignotant toujours plus les espaces ruraux - je n’ose pas dire naturels.

D’Écouen, partons plutôt à l’opposé de Paris, à la recherche de l’écotone, au-delà du quartier des Allouettes (deux ailes pour mieux voler ?) les champs résistent. Champ aux Meuniers, on pense aux blonds blés mais à présent c’est du colza. Chemin de la Pommeraie. On voudrait tendre la main vers des branches lourdes des fruits ; quelques vergers en fonction, soigneusement cadenassés. Chemin du Bois, le pluriel est invisible, de bois, il n’en reste qu’un, étique : Bois Bizouard, étymologie bise, « vent sec et froid du nord-est », oui c’est bien la direction que l’on prend en cette morne journée d’automne.
Les lieux continuent à résonner des topographies : l’Étoc, sans rochers émergents. Les Basses Fontaines, point d’eau dans les deux sens du terme. Les Hautes Bornes, n’exagérons rien, en cet endroit du bassin parisien, les courbes sont dans les 100, plus loin, la Motte, voilà une toponymie plus appropriée.
L’horizon, lui, résonne des contrastes. Plein sud et plein est, avec des degrés de proximité variés, c’est la Grande Agglomération, le moutonnement des lotissements où pointent, ça et là, tours et aiguilles télécommunicatives. Nord-nord-est, notre direction, le regard est cisaillé par un faisceau de sept lignes haute tension croisant un autre croisement, celui d’une départementale et de la nationale 104 qui court, vers où, Paris, toujours Paris, on le suppose. Puis la vue bute sur une butte, celle où se juche Mareil-en France. On aime cet aveuglement ; il recèle peut-être une surprise. Celle de découvrir, au-delà, d’autres visions que pylônes et voies rapides.
On longe la nationale. Deux poiriers, rescapés. Poires aux chairs serrées, insolemment bonnes, les particules fines ? Le temps est venu de traverser, pas en sautant par-dessus les grillages tel une biche affolée, cela va de soi. Il y a plusieurs stratégies, la plus raisonnable - l’échangeur connectant la nationale et la départementale - et la plus farfelue : ramper dans une buse qui perce de part en part, déversoir à eaux de ruissellement. Le temps est sec.

Mareil-en-France nous voilà. On peut se permettre de tonitruer, à notre gauche, le champ du Fort en Gueule, qui à l’époque de sa dénomination n’avait pourtant pas à dominer le fracas de la nationale. On amorce la montée. De la gare d’Écouen-Ézanville, 69 mètres d’altitude, on est passé aux 188 mètres de Mareil. Le vertige. Au sommet, on espère le miracle. Il est presque là. Sur l’autre versant, déroulement de collines et de forêts, on peut rêver. Si rien, un jour, ne vient les grignoter...

Photo : huile sur toile de Bernadette Vercoustre

21 janvier 2017
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