matières #6

éjà très ivre, heureux d’être entouré et choyé, objet éphémère de toutes les attentions, agitant vivement les bras en parlant avec ses amis puis, comme pris d’une impulsion subite, se retournant vers la fille pour lui glisser à l’oreille : Si tu continues à me regarder ainsi, je vais avoir envie de t’embrasser, reprenant aussitôt la conversation abandonnée un instant comme si rien ne s’était produit, la main tremblant cependant légèrement en saisissant son verre, surpris par sa propre détermination, son audace, les grands yeux bleus de louve de la fille incrustés dans sa mémoire : pierres précieuses : étoiles scintillantes, ou comme une lumière violente et soudaine imprègne la rétine longtemps encore après son apparition ; puis quelques heures plus tard, la soirée battant son plein, dans un autre bar, plongés dans le son assourdissant de la musique, le brouhaha des conversations, les odeurs de tabac et d’alcool, percevant la réalité comme à travers une épaisse cloison de verre opaque, la fille l’accompagnant au comptoir pour passer commande tandis que le reste du groupe s’installe à une table, l’observant de ses yeux ardents non pas avec insistance ou intensité, mais pour ainsi dire avec le détachement calme et méditatif d’un animal guettant au loin sa proie : son regard fixe exprimant une résolution secrète et têtue : quelque chose d’avide, d’obstiné et de passionné à la fois, se pressant soudain contre lui avant de l’embrasser longuement, le garçon ne parvenant d’abord pas à s’abandonner tout à fait, se demandant par intermittence si les autres vont s’apercevoir de quelque chose, heureux cependant, comme planant dans un rêve chaud et brumeux, volant à haute altitude parmi des montagnes de nuages, perdant toute notion d’espace et de temps, le cœur battant à grands coups, ne sentant plus que la chaleur de son souffle, la saveur de sa salive, la douceur de ses lèvres, éprouvant une joie illimitée, intemporelle et parfaite co
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7 novembre 2011
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