#11. Une démonstration "pour de rire"

avril 2012 / Boulogne-Billancourt / texte àlire àplusieurs voix /
les motivations d’un auteur en résidence dans un lycée
/ d’Eric Da Silva / àGuénaë l Boutouillet / durée : 10’

Les questions posées par Guénaë l Boutouillet, préalables àl’écriture de ce texte, étaient :

Vous avez fait le choix d’intervenir en lycée durant cette résidence. Qu’est-ce qui vous a poussé vers cet endroit, lieu de rencontre (de friction éventuelle) de l’adolescence et de l’institution scolaire ? Qu’est-ce que cela interroge dans votre statut d’artiste, et dans votre itinéraire personnel ? Qu’est-ce que cela déplace dans votre pratique ?



Dès que je reçus les questions de Guénaë l, me saisit l’envie d’y répondre dans le même temps que j’en ressentis cet enthousiasme vain.
En effet, si d’un côté je n’avais aucun doute que mes réponses se laisseraient comprendre, tant elles portaient d’intentions claires, de l’autre, je tâtais avant même de le dire que leurs élucidations étaient d’une toute autre farine. Car si on considère d’abord que l’interrogation de ce dont il s’agit est avant tout de « saisir les gestes d’une expérience en plein vol  » autant la réponse après est comme faire le clown en se jetant en l’air pour démontrer la loi de la gravitation. Et àbon entendeur, alors me suis-je dit, je n’en serai rien moins qu’un clown réduit àfaire une démonstration pour « de rire  » – qu’àcela ne tienne !
C’est ainsi que me suis-je décidé comment-pourquoi, n’étant pas le premier interrogé sur le projet, de me présenter àvous plus divertissant qu’a

(rbitraire)

utoritaire avec des réponses diagrammatiquement composées et-ou en forme de scénettes aussi – j’aime àme trouver amusant face aux redondantes théories – composer oralement des corrélations esquivantes, feintantes au beau milieu des discours. C’est ce que je trouve « fameux  ». Et si je parle de « feintes  », « d’esquives  », ce n’est pas pour dire que j’esquive ou feinte vous le comprendrez car le contenu en vérité se fiche bien de la forme dans laquelle on l’affiche qui est une question de goà»t et de couleur ; pour ma part, j’opte pour une pertinence de la pensée vocale comme dans le dialogue de théâtre, parce qu’il est fascinant de la voir par l’auteur qui réfléchit s’accommoder si bien de tous les changements de supports ! – suggérer autre chose que ce que l’on figure – c’est ce dont on parle par entrelacement qui délace. Traduire l’intuition qui est une « ligne du dehors  » et qui me précède, m’oriente vers le
(tout autre)

plein centre, un dehors qui inclut un rapport de force en devenir et qui ne préexiste pas.
« Un système physique instable en perpétuel déséquilibre  ». Essayons-ça me suis-je dit et laissez-moi me débrouiller avec déjàune « physicalité  » àprendre en charge – le théâtre pointe son nez, le fou – toujours dois-je dire – comme toujours il il, il est inestimable.
Pourquoi ? Eh bien, je dirais qu’il cherche une stabilité en profondeur quoi qu’il advienne en surface et où qu’il se trouve. Pas mal comme introduction non ?
Ë— Bon puisque c’est ainsi donc, j’ai décidé de répondre en deux parties : la première avec mes trois « fameuses  » complices de la classe du Lycée Renoir, dans un entre-deux réponses aux questions de Guénaë l, prises frontalement et : la deuxième, mes a
(dmiratrices)

mbassadrices Hélène et Marie dans une petite scénette toute prête et néanmoins pas immédiatement saisissable comme un jeu en somme qui montrerait ce qu’il ne représenterait pas.
Nous y voilà, tout est en suivant : dans la scène avec les « fameuses  » ci-dessous, chaque fois que se trouve un petit alinéa que précède un saut de ligne, il indique que c’est une autre fameuse qui m’entretient – j’apparais toujours dans les caractères gras des parenthèses tandis qu’elles sont en italique, sauf une fois qu’il est simple de repérer, le principe s’inverse, elles se retrouvent dans les parenthèses.






Tentati(ve)on de

d(éguisement)ialogue entre (contre) lui et nous.


Ë— La première dit : je commence, je te cite : « L’autre jour, j’ai rêvé que j’étais dans les bras d’une grenouille au bord d’une piscine et que je n’osais pas lui toucher ses mains palmées et griffues et que tout s’est bien passé quand j’ai compris qu’elle parlait comme toi et moi. Pour les gens autour de nous, tout pouvait rentrer dans l’ordre.  ».
.C’est ça !
.C’est ça quoi ?
.C’est ça, c’est une réponse.
. Une réponse àquoi ? A propos de quoi ?
. De moi pardi !
. De toi ? C’est pas la routine ton affaire.
. Ça non parce que je m’en méfie.
. Ah bon de quoi encore ?
. De ce qui tourne en routine.

Ë— Ah la la la la la ! Tout de suite c’est difficile de communiquer avec toi – peux-tu expliquer simplement le rapport de cette séquence que tu rapportes avec nous ? Pourquoi Diable, nous destines-tu cette littérature dont le contenu est surprenant pour ne pas dire choquant … parfois ?
. Tu n’exagères pas un peu ?
. Devons-nous te rappeler le décrochement du groupe, de notre camarade Élise dont les parents ont souhaité interrompre la participation àla classe après la lecture de La Demande En Mariage ?
. D’accord et en même temps, àqui d’autre pourrais-je la destiner ou aurais-je envie de la destiner cette littérature ? Avec vous, il m’a semblé qu’il y avait un automatisme …
. … Ah Ah Ah, elle est bien bonne un a
(tavisme)

utomatisme et de quoi ?

˗ C’est v

(icieux)

rai quoi !

Ë— En dehors de

(nous)

vous, qui pou

(rra jamais te rendre ça)

vait-on me p

(endre àl’esprit)

rescrire ?


Ë— Mais qui nous ?
. Je veux dire des élèves, des lycéennes…
. Tu me fais un peu peur quand tu p
(rêtes àtendre l’autre joue)

arles comme ça !


Ë— Tu fais le ch
(evalier servant)

oix d’inter
(dire)

venir en ly
(berté)

cée durant cette rési
(lience)

dence – qu’est-ce qui t’a
(ttendait les ennuis !)

s poussé vers cet e
(xentricité)

ndroit, lieu de r
(umeurs alarmantes qui courent dans tout le pays)

encontre, de f
(ornications virtuelles)

rictions éventuelles de l’a
(ttrait du monde amoureux)

dolescence et de l’
(érotisme ruisselant)

institution s
(urprise et effarée)

colaire ?

Ë— Comment tu te d
(is sans complexes)

éfinis ? J’ai du mal à
(rire)

dire si tu es a
(la ramasse)

cteur, au
(le vilain bonhomme qui nous fait honte !)

teur, ou encore me
(croire capable de répondre àtout)

tteur en scène. Je ne sais p
(lus penser qu’àune chose àla fois)

as non plus.

Ë— Tu aimes le ver
(ritable tragique)

bal, les to
(urnants à180°)

nalités. Et ta situation f
(armaceutique)

inancière fait que l’au
(rateur)

teur re
(ssemble àun animal)

prend le de
(vant derrière)

ssus. Parce que tu as été g
(riffé par un chat)

entiment r
(éprimé)

uiné. L’a
(mitié)

lternative t’a coà»
(pé le souffle)

té cher. Tu t’en sors avec l’
(économie d’un discours)

image d’un mec qui a fait son t
(apin)

emps et qui s’en est
(fini d’être jeune)

allé en undergrounds et l’a
(i assumé)

dministration s’est m
(oquée)

ise d’inciter àne plus
(savoir)

vouloir
(ce que je ne savais pas moi-même)

travailler avec un
(malentendu)

toi. C’est v
(entriloque)

iolent, qu’est-ce que c’est
(eux qui m’ont cherché et trouvé)

que cette hi
(magination)

stoire ? Mais qu’est- ce qu’il faut co
(lonne vertébrale)

mprendre ? Un tas de p
(seudonymats)

réjugés.

˗ Par exemple que le théâtre est le tr
(uc d’une petite élite)

ou de la serrure par lequel on peut voir la société se re
(faire une santé)

fléter àtravers les
(mailles d’un filet)

constructions h
(éroïques)

iérarchiques des classes, où tout le monde
(pleure sur son sort)

est fils d
(e pute)

‘ouvrier !

Ë— La distinction des c
(onnaissances)

lasses ne se fait pas sur la
(confiance)

naissance, mais sur la capacité àdég
(ouliner)

lutir.

˗ Tu as été c
(lown)

oupé donc ! Tu as senti le vent
(me relever)

du boulet, t’a
(mis en marche)

rracher la toiture !

Ë— Et tu en es où làmaintenant ? Un minimum c
(uicidaire)

ynique ou l
(e langage souffle)

oin de là ?

˗ Tu es dans l’in
(vention)

tention ex
(péditive)

clusive d’écrire et compter avec ce qui est co
(ntre nature)

mpatible des idéaux qui échappent àla vi
(llégiature)

gilance d
(u copyrght)

e ta lib
(erté individuelle)

ido.

Ë— Écrire et dire ce qu’on s’apprête àécrire hein ?
˗ Parce qu’il y a la façon d’écrire en suivant ce que vous écrivez et la façon d’écrire en écrivant l’idée sur le point d’arriver – c’est-à-dire écrire ce que vous allez écrire et le penser.




(Hélène, Marie, se croyant seules, dialoguent un court instant.)


Ë— Tu en penses quoi de tous ces auteurs dramatiques ?
. Si on les flinguait tous ?
. Flinguons-les si tu y tiens.
. Ça résoudrait bien des problèmes du théâtre.
. Pourquoi le théâtre a des problèmes ?
. Le théâtre a les problème qu’il a … de son côté. C’est quand il cherche àrésoudre d’autres problèmes qu’il se bute lui-même.
. Ah Ah Ah Ah Ah ! Putain la crise !
. Je sais bien moi que ça ne changera rien !
. Alors ?
. Ne faisons rien et continuons de les écouter.
. Et de toute façon tu avais une arme toi ?
. Je n’aime pas les armes, je déteste ça Moi Mâdâme …
. Ah aaah …
. Alors QUOI ?
. Flanquons-leur un meilleur système de formation voilà !
. Et en attendant ?
. Gardons-nous de faire des conneries et continuons d’écouter c’est ça ?

˗ Arrête de paniquer, c’est pathétique àla fin parce que je pense àtout un tas de choses horribles.
. Quel genre ?
. Des acteurs qui avant de commencer àjouer, s’approchent de l’avant-scène, ils sortent un papier de leur poche et lisent : « Nous vous remercions d’être venus et nous sommes très heureux de jouer pour vous ce soir.
. Ah Ah Ah Ah Ah Putain la crise !
. Et alors ?
. C’est féroce comme humour
. Pourquoi ? Tu as peut-être remarqué que dorénavant dans tous les spectacles au moment des saluts, les acteurs dédient les applaudissements àla technique en faisant signe àla cabine régie « sans eux nous ne sommes rien  »
. C’est ton interprétation !
. Pas la tienne ?
. Non par exemple NON !
. Je vois tu ne viens pas au théâtre pour voir des tueries – c’est ça le problème – tu vois, il se trouve que je n’aime pas les armes mais il ne me déplait pas de venir voir les gens s’entretuer …
. Et qu’est-ce que ça a àvoir avec le Lycée Renoir d’Asnières ?
. Et le lycée Renoir, tu en fais quoi dans tout ça ?
. Et ne me dis pas que c’est un prétexte !
. Ah Ah Ah Ah Ah Putain de crise !
. Et est-ce que le théâtre est du théâtre et est-ce que les acteurs sont des acteurs ?
. Faire une crise cardiaque au théâtre pourquoi pas !
. Tant de choses me viennent àl’esprit maintenant …


àsuivre …



1er avril 2012
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