Fin des ateliers avec les CM1 : le bordel du...

Il a fallu un nombre de séances plus élevé qu’à l’ordinaire pour que les petits écrivants de l’école Marceau le découvrent. Mais ça n’a pas manqué, finalement. Il y a toujours un moment où quelqu’un réalise que... Mais oui ! Eurêka ! et puis ça se répand comme une traînée de poudre et en quelques dizaines de minutes toutes les histoires sont déconstruites.
Je veux parler du moment où les enfants réalisent que leurs textes ne sont pas des structures fermées et autonomes mais ouverts et perméables, ce qui signifie que les personnages des uns et des autres peuvent se rendre visite, se connaître, se parler. Je ne sais plus qui a commencé : peut-être que c’est le gorille qui a décidé de devenir ami avec l’écureuil de son voisin, où le paon qui s’est rendu à l’anniversaire du zèbre, ou encore l’enfant-guépard qui m’a demandé en ricanant s’il pouvait manger tout cru le panda roux de la fille d’à-côté (une espèce en voie d’extinction, bon sang, il fallait être sadique !). Toujours est-il que voilà, c’était parti et plutôt dans tous les sens.

Ils en oubliaient complètement leur narratologie - une connaissance que les enfants possèdent assez souvent de façon intuitive bien qu’ils ne puissent pas la nommer (ni l’utiliser même, parfois). La semaine dernière, par exemple, un garçon de CM2 qui prenait part à la discussion de groupe que nous avions autour de la question "Comment donner envie de lire un livre à quelqu’un ?" m’a expliqué posément que "ce serait bien d’avoir un cliff-hanger". Comme je le poussais à développer, il m’a expliqué que ses parents lui avaient appris ce mot dont il avait besoin pour qualifier les fins de ses épisodes de dessins animés ou de séries "qui s’arrêtent juste pour qu’on ait envie de regarder le prochain et qui font ce truc comme s’ils nous donnaient soif." J’ai trouvé ça brillant. Parce que c’est exactement ce dont il s’agit.

Mais là, non, à la dernière séance : pas de narratologie. On ouvrait les histoires, au contraire, on les éventrait pour faire entrer celles des autres. J’ai proposé qu’on s’arrête là pour aujourd’hui quand le processus d’ouverture a commencé à inclure une dizaine d’animaux venus des tables voisines, rajoutés en bout de phrases et en dépit du bon sens : "J’ai mangé une banane ce matin. Et l’écureuil est gentil.","je suis en transhumance ce mois-ci avec mon berger, il me coupe les cheveux et aussi mon ami lapin est là."
Alors, à la place, j’ai proposé qu’on choisisse un titre pour notre recueil de journaux d’animaux. Et comme tout au long de l’année dernière, j’ai pu constater au moment du vote que la notion d’élection et celle de démocratie est très très très aléatoire chez les CM1.

27 avril 2015
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