Khouloud Al Zghayare et Céline Escouteloup

De l’Est de la Méditerranée
Jusque vers le Nord
J’ai porté ma blessure
Au-dessus des champs d’abricotiers
Et des champs de bombes.
En quête d’une tombe pour lui
De la couleur d’un cri,
De la taille d’une âme
Quelque part en exil.
Un espace où le cadavre
Trouve la place de s’étendre,
Et le pus le temps de sécher.
Mais la terre de miel
Bannit toujours le bleu
De son enfer.
Aurais-je donc le droit
Revenant de la mort
De me tourner vers l’amour ?
Ou dois-je me tirer une balle dans le cœur ?
Maintenant
Le monde respire.
Comme il se doit
Avec un seul poumon
Et tout ce vide
Pour qui ?

J’ai le pied vague
La tête peut-être aussi
Je passe entre mes os
Je glisse entre mes peaux, mes cartilages
Battre des jambes
A travers le tissu sous les bains qui bouillonnent
A regarder au large
Je me suis crue plus oiseau
Qu’en écrivant
J’avais les poumons tout ouverts
N’être Dieu que par spasmes
Par petits sauts par petits bonds
Quand on a le hoquet
Que ça prend à la gorge

J’ai tant de mer dans les yeux
Tant d’eau salée
Pourtant la plante acide
Sèche et austère
Si l’orage pouvait laver les coeurs
Le bleu bâché
Réinventer les contours
Du corps
Et toutes les lignes

Vous me cernez ô vous fleurs du vent,
De ronces, de rosée, des senteurs de sécheresse.
Vous me cernez ô vous vagues du temps,
De mémoire de cendres, de futur de fumées,
De cet instant de fer.
Tu me cernes ô neige de la terre,
De têtes, de corps,
Des possibles du fleuve.
Me cernent le chute du ciel, la terre sépulture, les pôles réunis et la tempête éparpillée,
La pesanteur du temps et la légèreté des lieux.
Les tortues du champ, les fourmis du désir, les moineaux des prairies.
Le corps de la pierre, les mots boiteux.
La pauvreté de la réponse, le bois de la question
Le salut de l’ombre, l’ombre des humains et l’entité des choses.
Me cernent
Ma peau
Mon sang
Et mon squelette.
 
Où l’espace ?
Arrête ô monde
Mes poumons n’en peuvent plus.

Emplâtres
Qui ramollissent à la chaleur et qui collent sur la peau
D’herbes et de cires
Ne suffisent pas, bien sûr

Pourtant on a demandé au saunier
De récolter tous les sels possibles
Et plus encore
Et toutes les petites fleurs en grappes serrées du térébinthe
On les a serrées, serrées, ne suffisent pas
Et ses petits fruits qui passent du blanc au rose au rouge au brun
Ne suffisent pas

Déjà, il faudrait arrêter tous les alambics
Leurs fumées, leurs dérives
Leurs prétendues incantations
Mais il y a
Les petites phrases
Qui font toc-toc à la fenêtre

Il reste
Ce trou dans le ciel
Ce passage