Noémie Fargier | Urbain Sensible - étape / rencontre

La rencontre

Urbain Sensible est né d’un désir de rencontre. Partant à la rencontre de personnes qui à Saint-Ouen, Saint-Denis, ou dans le nord du 18e, sont engagés dans des projets d’agriculture urbaine, ainsi que de lycéens de Saint-Ouen qui, plus éloignés de ce monde-là, ont une perception non moins sensible de l’espace, j’ai ressenti le désir de prolonger ces échanges avec les habitants, en les invitant sur mon lieu de création.

J’ai voulu ainsi imaginer un temps où les habitants feraient connaissance avec ma sensibilité, tout en questionnant la leur. Où ils écouteraient et prendraient la parole. Un temps d’échange et de création partagés, pour questionner notre porosité à l’environnement, et notamment celui, immédiat, dans lequel nous habitons. Une entrée dans l’imaginaire du jardin par ce qu’il nous offre : un espace de refuge dans et hors du monde. Un endroit pour rêver, se projeter, faire ensemble.

La soirée du 11 avril est donc à la fois la première ouverture de la résidence, et la première étape de création publique d’Urbain Sensible. Elle s’organise en trois temps : l’accueil des participants et l’explication des « consignes » de l’expérience, la séance d’écoute interactive en elle-même, et un temps d’échange autour de la dégustation d’une soupe maison.

Le projet

Questionner notre sensibilité au monde

Urbain sensible plonge les participants dans un bain sonore les faisant naviguer dans des environnements contrastés. Placés au centre d’une diffusion quadriphonique, amplifiant la sensation d’éloignement et de proximité, les auditeurs se trouvent en plein milieu d’un paysage, auquel ils prêtent une nouvelle attention. Se laissant traverser par les sons et par les images naissant à leur écoute, ils retrouvent des sensations passées, goûtent à la saveur d’un voyage, ou redécouvrent les espaces qu’ils traversent, quotidiennement.

Faisant du son le vecteur de notre perméabilité au monde extérieur, la composition du créateur sonore David Hess cherche autant à reproduire cet effet de choc, lorsque nous changeons brutalement d’environnement, que le phénomène d’habituation, inséparable d’une certaine insensibilisation.

À travers l’expérience sonore s’ouvre alors un questionnement sur la perception intime du monde qui nous entoure, entre porosité, adaptation et résistance, lorsque s’abstraire de l’environnement immédiat est le seul moyen de poursuivre sa volonté propre, et de tracer son chemin. Le questionnement sur la sensibilité se double ainsi d’un questionnement sur l’altérité, la place que prend l’individu dans le monde, oscillant entre empathie et indifférence, attention à l’autre et affirmation de soi.

Une voix, celle de la conceptrice de l’expérience, guide le cheminement des auditeurs. Aux questions qu’elle soulève et aux réflexions ou expériences qu’elle partage avec les autres participants, répondent les pensées de chacun. Celles-ci sont invitées à s’exprimer grâce à un dispositif reprenant aux télécommunications ses deux pôles antithétiques : le repli sur soi et le partage instantané.

Télécommunications de proximité

La compulsion à écrire, s’exprimer, être sollicité, s’informer, le besoin d’être en permanence connecté au monde, lorsque cette connexion même nous oppresse et nous empêche de trouver le repos, est ici détournée au profit d’un partage en direct, entre personnes réunies dans un même lieu et traversant, chacun différemment, une même expérience.

Par des messages, qui peuvent prendre la forme de simples mots, de phrases plus longues ou de récits, les spectateurs communiquent les sensations, inspirations et réflexions que leur éveille cette écoute, et prolongent le questionnement ouvert par la voix. Les textes, projetés sur un écran, sont traités en direct grâce à un logiciel imaginé par l’artiste numérique Philippe Boisnard, suivant un parcours graphique, où les mots écrits par chacun entrent dans la composition d’une forme globale. Ainsi, les participants ne se content pas de voir apparaître les messages qu’ils écrivent, et de découvrir ceux des autres participants, ils voient peu à peu se dessiner une ville puis une forêt de mots, où bruissent silencieusement leurs désirs, et leurs pensées.


Reportage photo - par Daniel Maunoury



Le public à l’écoute des consignes, avant l’entrée en salle Star Trek

La séance d’écoute et d’écriture

Contrechamps sur la régie

Le temps d’échange et de dégustation, au restaurant de Mains d’Œuvres

L’autrice et son éditeur - photo officielle !



La collecte et le work in progress


Pendant l’expérience, on collecte des mots. Ensuite, on collecte paroles, impressions ou retours, qui après un temps de silence nécessaire pour laisser décanter le bruissement, forment une première couche terrestre où déposer ses pas…


Si, pendant la séance du 11 avril, les mots des participants apparaissaient immédiatement sur l’écran, et se trouvaient réintégrés aux paysages graphiques, il m’est apparu souhaitable de pouvoir relire ces mots, et d’en faire quelque chose.
Voici donc un « arbre à mots » restituant la collecte de cette première séance publique, et mettant en évidence les termes les plus fréquemment utilisés.
Une piste pour continuer la recherche d’algorithmes, afin de donner une synthèse graphique de ces impressions auditives…

24 mai 2018
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