Noyade

La pluie frappe le béton, les tôles, les vitres, l’herbe, le ciment, le crépi. Elle frappe durement et longuement. Cela arrive presque une fois par semaine. Une fois par semaine, je me prends la pluie dans le dos, puis elle me contourne pour me battre par l’avant. Cette eau venue du ciel s’agglutine sur le sol et glisse enfin dans les caniveaux des trottoirs alentours. Je connais ces manières et les routes qu’elle emprunte.

Je l’aime.

Je l’aime cette pluie qui passe sur moi comme elle passe sur les peaux comme elle passe sur les tissus comme elle passe sur les cheveux. Je l’aime cette pluie qui nettoie ma façade qui s’infiltre dans mes conduits secrets qui les incitent à venir se réchauffer dans mes parois.
Elle les faits venir. D’ordinaire ils ne viennent pas tous d’ordinaire je ne les croise que sous mes fenêtres d’ordinaire ils restent peu. Là – avec elle – ils accélèrent le pas pour venir à ma porte. Là ils attendent de moi que je les protège, d’elle. Le temps que ça dure.

Je l’aime.

Mes canalisations infiltrées de cette pluie me ravivent. Formant un courant liquide et continu en moi, moi qui ne vis pas de chair. Dans ces moments j’ai le sang qui coule en moi j’ai le fluide de vie humaine. Le courant transparent suit les étages attiré vers le bas respectant la loi gravitationnelle coule sous les couloirs moquettés s’étend dans les murs mitoyens. Mais le courant n’est que d’un seul sens. Il ne remonte pas. Il stagne dans la cave.

Je viens de me noyer.

Eva Lassalle.

26 mars 2017
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