Texte de Marie-Christine Vieille Grisard

Je ne sais pas d’où je suis.
Quand on me pose la question, je dis où je suis née, Guérande, ça sonne bien et puis le sel tout le monde connaît.
En réalité je suis née là par hasard, un été, pendant les vacances.

Quand un jour, mon professeur de danse du conservatoire de Bourgogne, m’a dit : vraiment tu es méditerranéenne !, j’ai répondu : non je suis bretonne. Et en rentrant le soir, ma mère : mais si ta grand-mère, l’Algérie !
Ma grand-mère, l’Algérie !?

À la danse toutes les filles étaient plus âgées et blondes, j’étais la petite. C’est vrai que je ne danse pas comme une blonde, ni comme une bretonne sans doute.

Plus tard je ferais du Flamenco.

J’arrive toujours en retard car j’ai horreur de dire bonjour, ça m’angoisse.
Dans le vestiaire à la danse, j’arrivais toujours à la dernière minute, lâchant un « bjour ! » rapide à la cantonade.
Je me souviens d’une fille, grande frange et cheveux raides platine, qui prenait le temps d’embrasser chacune de nous avec un grand sourire, ça m’épatait.

J’ai toujours été désarçonnée par les gens qui me demandaient comment j’allais, balbutiant une réponse que l’on attendait pas.

Je n’ai jamais vraiment fait partie d’un groupe, toujours à la marge, un pied dedans, un pied dehors, parfois flattée d’être conviée parfois déçue d’être oubliée. Mais je crois que c’est comme ça que je me sens libre, indépendante. La solitude ne me fait pas peur.
L’amitié ça s’entretient, je suis négligente.

Je n’aime pas les portes fermées, les horizons bouchés, j’ai toujours besoin de sentir que je peux m’échapper.
Je suis d’une famille où il faut se battre pour avoir la parole, je ne suis pas vaillante.
En réunion, je suis toujours décontenancée quand on me demande mon avis.

Pour le travail nous nous sommes retrouvés en région parisienne, nous ne pensions pas rester, nous ne nous sommes jamais vraiment posés.
Puis les enfants ont grandi et ils n’ont plus voulu bouger.
Puis les enfants ont grandi et ils sont partis.

Et je me retrouve là à ne pas savoir d’où je suis. Mais la question vaut-elle d’être posée ?
Faire le deuil de ma place, pour ne pas me perdre.

Marie- Christine Vieille Grisard

10 mai 2016
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