Vanité des vanités, moi je l’aime, cette vanité

Encore une fois, ce train, si vide, si grand, et qui s’étire dans l’espace juste pour moi.
Ah ! Comme ça semble couler de source, autant dans sa véracité que dans sa fausseté. Car bien évidemment je ne suis pas seule au monde. Ces deux filles qui discutent fort. Ces deux gars qui parlent au téléphone. Ou encore ces contrôleurs qui passent de temps en temps. C’est bien la preuve qu’en réalité, rien, absolument rien n’est pour moi et pour moi seule et exclusivement dans ce tableau.
Rien, absolument rien. Tout comme mes exaltations ne sont rien, devant un steak-frites, une robe saillante, une paire de talons affriolante, un film exaltant ou un bouquin époustouflant. Rien, absolument rien. Tout comme mes motivations à écrire ne sont rien. Le vide, le néant. Qu’on se le dise : je suis porteuse en moi de la plus terrible maladie de l’artiste : j’ai nommé la vanité. Oh, que je l’aime, que je l’embrasse et que je la baise. J’aime contempler tout cet espace, le démonter, l’examiner, l’analyser, et sentir alors monter en moi cette double perception des choses, leur grandeur et en même temps leur nature inéluctable de carcasse qui finira, un jour ou l’autre, à la casse.
Ces filles aux voix si fortes et qui deviendront, au fil des temps, tremblotantes. Ces hommes qui balanceront leurs téléphones pour s’en acheter un meilleur. Ces contrôleurs qui se feront virer, ou bien qui partiront d’eux-mêmes, vers un autre horizon, qu’importe, en tous les cas c’est la même ! L’agitation. L’agitation tout le temps. L’agitation pour oublier que le même destin nous attend au coin d’un train, ce destin que je me suis mangée dans la face à trois reprises déjà, alors que je n’avais même pas un mois, alors que je ne faisais que parler à cet homme dont je n’ai jamais su le nom, alors que j’avais décidé, pour une raison étrange, que cesser de manger pouvait me rendre belle.
Vanité des vanités, tout est vanité. Et moi, je glorifie cela. Le moindre geste, le moindre rire, cette perte incurable de l’insouciance jusque dans la plus insignifiante de mes voyelles, jusque dans le plus banal de mes mots. Des tartines de lettres, et j’en fous partout. Lamentables torchons que je tâche simplement de rendre jolis, parce que ça me fait rire, en vrai, tout ça. Courage ou folie ? Bah, en fait, mais qu’est-ce qu’on s’en fout ? S’il y a une raison à retirer de la conscience du néant, quand elle vous chope, quand elle vous étripe et quand elle vous laisse là, avec la mission impossible de vous recoller tout seul, c’est que le plus important dans la vie, c’est de faire ce que l’on veut, tout en veillant cependant à ne pas devenir un bourreau persécuteur ou distributeur de vanité mortelle ou jugée tout bonnement minable.

Cécile Magueur

19 février 2017
T T+