Festival Hors Limites - Lecture and Jazz le Samedi 4 avril à 16h
SAMEDI 4 AVRIL À 16H À LA MÉDIATHÈQUE PERSÉPOLIS SAINT-OUEN
Catherine Froment nous donnera à entendre les textes qu’elle a écrit lors de sa Résidence d’écrivain à Mains d’oeuvres en 2019 accompagnée par le pianiste et jazzman François Popineau.
"Elles restent chez elles, elles toutes, elles rétrécissent. Et quand elles sortent de chez elles, elles marchent lentement, elles font semblant d’avoir mal aux jambes. Parfois elles font même des pauses. Elles se disent yen a bien un qui va se dire, elle a un problème celle là. On les regarde et puis comme elles ne tombent pas ni rien, on trace vers ailleurs. Quand elles rentrent chez elles, elles rient. Elles se disent, ils m’ont regardée, ils ont quand même eu bien peur, non ils n’ont pas redémarré pareil après le feu. Ils se sont dit : Mon Dieu comme elle a rétréci, on la voit à peine, elle est aussi grande qu’un enfant. Elles font semblant de ne pas les regarder, car sinon ils détourneraient le regard. Quand elles sentent que c’est une voiture qui n’a jamais vu de vieilles rétrécies, elles traversent très lentement, prêtes à s’écrouler. Certaines s’entraînent chez elles à tomber raides. Tomber raide sans se faire trop mal. Elles commencent à chuter sur leur lit et puis après par terre. Parfois elles n’arrivent pas à se relever, elles s’accrochent à un meuble et tout fout le camp, un meuble se casse la gueule. Certaines y laissent leur peau. Quand on ne la voit plus dehors, une autre se dit : Tiens elle a raté la chute chez elle celle-ci. Dans la salle d’attente du kinésithérapeute, elles ne disent rien, bonjour au-revoir, elles se regardent et en voyant une telle se lever elles la regardent de toute leur force pour savoir où elle a mal, comment elle s’y prend pour chuter. Parfois les kinésithérapeutes s’étonnent : Mais comment avez-vous fait pour vous faire mal à l’épaule de cette façon ? Si je le savais moi-même, j’ai forcé pour attraper un vase qui était tout en haut du vaisselier, et le pire c’est que ça ne passe pas, ça ne passe pas. Quand elles rentrent dans un bus, elles regardent autour d’elles complètement désemparées, parfois elles amorcent de chuter avant même que le bus redémarre, alors on leur cède vite une place, on s’écarte. Elles remercient en souriant, elles vous regardent intensément, comme pour dire : merci ça a bien marché, et si on se parlait un peu maintenant ? À la caisse des supermarchés, elles sortent toutes les pièces de monnaie, elles font semblant de ne pas bien voir, elles détaillent pièce par pièce jusqu’à ce que la caissière les aide, une sorte de conversation s’engage autour du porte monnaie. La file d’attente s’impatiente et chacun regarde la petite rétrécie. Parfois, elles font même tomber une partie du porte monnaie par terre, ou bien elles sortent toutes leurs cartes de réduction sans savoir laquelle correspond au magasin. Encore mieux, elles ne retrouvent plus leur chéquier. Elles transforment une attente de dix minutes en une éternité. Et au bout d’un moment, on observe plus précisément qui est cette personne qui bloque toute la file, peut-être y a-t-il un indice dans ses vêtements, ou son sac ? Où en est-elle dans l’échelle de la pauvreté ou de la richesse ? Et de la perdition ? Est-ce qu’il faut plutôt ressentir de la pitié ou de la colère ? Le mieux est de tourner la tête et ne pas regarder, apprendre à gérer seul cette impatience comme s’il n’y avait personne à cette caisse ni devant ni derrière. S’exercer à une sorte de self control, améliorer ses propres capacités à supporter le monde, et s’auto-féliciter secrètement un peu plus chaque jour." Catherine Froment
François Popineau :
Pianiste et compositeur, le jazz est devenu pour François Popineau le centre pédagogique et musical de ses activités. Composant cependant de multiples pièces d’orchestres dits classiques et des musiques de films, ses influences sont également à chercher, aux côtés d’un Keith Jarrett ou d’un Chick Corea, du côté de la musique de Chambre d’un Debussy et d’un Ravel.
Le Lieu :
Médiathèque Persépolis : 4 avenue Gabriel Péri à Saint-Ouen – Métro 13 arrêt Mairie de Saint-Ouen
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