Je ne m’échappe pas

Je ne sais plus tenir un journal… Pourtant la résidence s’organise, elle s’enracine. Pourtant, je pense àcet espace d’écriture que je veux habiter. En même temps, tenir un journal public m’embarrasse un peu. En même temps, il s’agit de consigner, de noter pour mieux retenir, de poser des balises en chemin, des repères. En plus, des cailloux, il y en a : les conversations autour de nos lectures, les passages réguliers àla librairie, les trucs qu’on y oublie qui a valu la bonne plaisanterie de Rosalie : « alors puisque tu es en résidence, tu t’installes et laisses trainer tes affaires partout !  », il y a le bulletin d’inscription pour participer au prix àdéposer dans l’urne virtuelle ou réelle, il y a la sélection très attendue par les enseignantes de la classe du lycée qui constituera une voix dans notre jury, il y a Isidore qui n’arrive pas àouvrir le portail, il y a les pas de côté que nous prévoyons, il y a un quotidien de la résidence en somme. Mais pas de journal. Ou un piètre journal.
Parce qu’aussi, il y a cette menace qui plane et nous recouvre de son ombre d’inquiétude, il y a ce virus qui fait de plus en plus de dégâts et qui, au jour au j’écris, nous obligera peut-être au repli, àla réclusion, il y a une sensation de malaise liée àtout cela qui donne une tonalité étrange ànos jours et àvrai dire, je n’ai pas envie d’ajouter ma voix àce triste chapitre.
Je ne m’échappe pas, non, je réside.


30 octobre 2020
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