PORTRAITS GAGNYNGHAM – 3
J’ai connu quelqu’un qui avait des graves crises de volume
Quand il était calme il ne se passait rien
Calme plat
Son spectre bougeait à peine
Sa couleur était monotone
Tirant vers le gris et
Lui
C’est juste s’il
Tremblait
C’était un être discret
Vivant dans une chambre seule
Une pièce
Toilettes sur le pallier
Lit simple posé sur sommier
Lit face à la télé
Et petite télé
Fréquences basses dans la pièce
Et lui en silence qui regarde cette télé
Comme ça toute la journée
Les jeux où l’on gagne toujours
Les émissions où l’on parle trop
Les clips aussi
Avec les filles en maillot de bain avec des beaux seins et les garçons musclés avec de belles mèches
Posés sur une plage en bord de Méditerranée
Cette mer qui est si calme
Mais qui en un claquement de doigt se réveille et rugit
Et lui avec ses crises il était pareil à la Méditerranée
Sa petite pièce n’était alors plus grande assez pour contenir son corps épais
Epais et puissant
Les pensées autrefois sourdes dans sa tête sortaient d’un seul flot
Le flot le recouvrait
Saturait sa chambre
Il sortait les bouteilles
Et il plongeait
Alors il devenait démesuré
Et c’était comme s’il débordait
La tempête se levait
La télé tombait sous ses coups
Le lit était éventré
Les verres volaient d’un mur à l’autre
Tout tremblait
Il mélangeait ses humeurs aux fantômes qu’il invitait dans son cyclone Le spectre passait par tous les tons
Les couleurs se mélangeaient
Il hurlait
Ça faisait un bruit blanc
Puis la crise passait
Le bruit devenait rose et il perdait conscience
Ne restait que le volume
Son volume seul
Quand il s’éveillait il émergeait le corps couvert de taches
Ça sentait fort dans la pièce
Ça sentait les couleurs
Un bourdonnement aigu cisaillait ses oreilles
Sa tête était lourde
Son ventre était gonflé
Et même s’il n’avait plus aucun souvenir de pourquoi et comment il avait échoué dans cette chambre
Il se sentait coupable