Journal de la Dream Box 1
Vendredi dernier. Une permanence nomade pour échapper au morne bureau, pour abolir les distances entre l’auteur et le lecteur, la frontière entre le dit et l’écrit.
Nomade pour se tenir droit, pour se tenir debout. Pour aller vers vous, les yeux dans les yeux.
Nomade mais en résidence, sur cinq étages, slalom entre les univers plastiques, sur les paliers plus complices, les escaliers plus inattendus.
Alors j’ai tendu ma boîte. Une Dream Box sans abonnement ni wi-fi. En revanche, une boîte qui capte, qui accueille vos petits papiers. Protège vos rêves de jeunesse : 22 messages individuels plus 1 double. 1 message pour 2, celui d’un couple qui dit partager les mêmes rêves.
"Vous regardez dans la même direction ?" ai-je demandé.
Alors ils se sont regardés, consultés en silence et ils ont hoché de la tête en même temps. Un seul papier, ça ira.
Et celui du barbu qui a rétorqué de but en blanc : "Des rêves, il y a longtemps que je n’en ai plus." Le pire, c’est la tête de sa femme. Qui s’est empressée d’ajouter : "On revient." Et bien sûr, ils ne sont jamais revenus. Ou pas encore.
LE PLUS TRISTE : quel que soit l’âge, la plupart des gens doivent creuser très profond pour reprendre contact avec leurs rêves. Hormis les artistes, les âmes bohèmes qui noirciraient volontiers des pages, inventent, improvisent et donnent, donnent, donnent.
Très peu ont gardé le contact avec leurs rêves ou y ont accès spontanément. La jeunesse, encore pire, ils viennent de voir leurs rêves percuter la réalité. Ambitions piétinées par les démarches administratives pour s’inscrire en fac, la cruauté de la sélection, les dossiers non validés mais pourquoi donc, les injustices du tri informatique. Mais si on leur tient la main, si on prend le temps, si on leur rappelle que tout est permis, c’est juste en passant, ça n’engage à rien, alors ils se souviennent qu’ils voulaient devenir archéologue, égyptologue, maquilleurs, de beaux métiers pourtant nécessaires mais qui leur paraissent aujourd’hui totalement irréalistes. Ou trop risqués. Impensables. La voie de la sagesse a tout balayé. Et si jamais tout s’effondre, si jamais l’ennui pointe le bout de son nez, rappelez-vous le message déposé dans la DREAM BOX : et si je rétro-pédalais ? Et si je devenais finalement cosmonaute ou modéliste ? Et si ce n’était pas si loin que ça, si fou que ça, si improbable que ça ? Et si, et si …
LE PLUS TOUCHANT : le partage, la confiance, le regard qui part dans le vague, va chercher loin et revient avec un souvenir, une passion, une vocation, une image, une envie qui renaît. Ah oui, tiens.
C’est douloureux de déterrer les rêves laissés de côté, d’affronter celui qu’on était autrefois, l’optimiste, le plein d’espoir, le courageux. On mesure alors l’ampleur de ses peurs, ses angoisses, sa lâcheté, sa frilosité, son manque de confiance, son écrasant besoin de sécurité, autant d’influences louables qui bâillonnent et font dévier.
Mais ce n’est pas trop tard, ceci est un rappel, souvenez-vous juste de ce petit bout de papier glissé dans l’urne car en vérité, c’est aussi pour vous, et même surtout pour vous que je suis là. Je secoue la branche, je fais tomber vos rêves du cocotier, ce voyage autour du monde dont tu rêves est à portée de main. Saupoudre ton quotidien de fantaisie.
Et si c’était la clé : ne pas se prendre au sérieux ? Se souvenir de rêver et de viser les étoiles car cela, quoi qu’il advienne, jamais on ne pourra te l’enlever.