Une image si connue
Revoyant récemment une des estampes peut-être les plus connues de Hiroshige, qui représente un chat de dos regardant par la fenêtre de son logis, je m’interrogeais sur ce qui demeure de cette image tant reproduite et commercialisée. Sa fonction décorative, son « exotisme » ont-ils pris le pas sur tout le reste ? Sommes-nous dans une scène domestique qui nous procure une sorte de (ré)confort ? Un peu tout cela sans doute et bien d’autres choses encore qui nous renvoient à nos habitudes de consommation, l’art étant souvent à cet égard un bien comme un autre.
On pourra s’interroger sur ce qui a fait émerger cette image-là, sur la puissance qui l’habite pour qu’elle continue de nous accompagner, dans l’espace public et dans l’espace intime.
On pourra essayer de s’y arrêter, d’explorer ce que le « connu » recèle d’inconnu, d’insoupçonné, au-delà de l’anecdote à laquelle cette image ne saurait évidemment se réduire. En sachant aussi qu’il n’y a rien à découvrir qui serait déjà là et nous aurait échappé. Et que nous pouvons, à notre façon de spectateur, créer et recréer à l’infini ce que nous avons sous les yeux, le regard étant toujours, on pourra aisément le vérifier, l’expression d’un instant, d’une conjonction particulière catalysant d’innombrables facteurs. Ce qui permet d’appréhender chaque fois autrement les qualités sensibles de cette scénette, les formes, les couleurs, les perspectives, et de les conjuguer dans une vision qui sera toujours, quoi qu’on en pense, incapable de percevoir un tout. Ou alors, juste l’espace d’un instant, comme du coin de l’œil.