Andréas Becker | Janvier 2019
Un groupe s’est constitué, des hommes et des femmes de tous âges, d’origines, milieux sociaux, et tout cela n’a pas d’importance dans ce groupe où nous nous parlons, en tout franchise de nous, de nos expériences, de nos vécus, de nos addictions pour en former une fiction. Et c’est ce processus, qui n’était pas facile à mettre en place, qui aujourd’hui nous permet la distanciation nécessaire non seulement à l’élaboration de la littérature mais aussi à la sortie de l’alcoolisme.
Nous parlons donc de nous et pas de nous, de nos vérités et nos fantasmes, de nos rêves, de nos chutes, nos tromperies, nos tricheries, nos amours, et nous transposons, ensemble, dans un magma de vécu commun, ces expériences en vie de personnages.
Valentin et Jeanne sont ainsi nés. Tous les deux alcooliques, tous les deux engagés dans un chemin, souvent chaotique, vers la libération de l’addiction. L’amour entre les deux semble arranger les choses, dans un premier temps, mais l’amour entre les humains, peut-il résister à l’amour inconsidéré pour la drogue ?
Voilà, la question est posée.
Nous n’avons pas de réponse. Nous, un groupe de personnes anciennement dépendantes, nous savons maintenant que nous n’aurons jamais de réponse définitive, mais nous cherchons à exprimer ce qui pourrait l’être de notre réponse, toujours individuelle, à cette question. Avec notre propre sensibilité, nos croyances, nos erreurs. Mais toujours au plus près de ce que l’on peut dire de cette vie, de nos expériences singulières.
Voilà, le travail.
Et ça s’écrit là, couche après couche, toutes les semaines, et quelque chose se dépose en nous. Quelque chose que nous n’aurons pas pu dire de nous-même, mais que nous pourrons dire de Valentin et de Jeanne. C’est ça, la littérature, le roman, la fiction qui n’est pas si fictionnelle que cela, tout juste suffisant pour permettre une magnifique tension de création.