Écrire
L’écrivain est celui qui regarde et ajuste en temps réel, c’est-à-dire dans un temps qui dépasse le passé, le présent, le futur. Il englobe tout cela et écrit toujours dans un temps qui lui est propre. Il affirme par sa fabrique, à partir d’un terreau qui lui convient, et réussit, quand il sait en pousser les limites, faire de l’environnement un nouvel allié. Du temps aussi. Ecrire, c’est se mettre au parfum et en lien avec. Cet objectif, c’est le texte, la touche finale : un livre. Et parfois, c’est bien un spectacle qui donne le coup d’envoi (comme dans un sport). Le combat de la vie à la portée de l’art. Ecrire, c’est aussi se mettre quelque temps entre parenthèse, le temps de la gestation. C’est une activité qui demande de l’éveil, de la réactivité et à la fois un effacement de son propre corps. C’est dire comme cela est complexe. Cet effacement n’est pas un retrait plutôt un abandon des habitudes le temps de la mise en œuvre.
On entre en écriture avec son corps, il y a le moment de l’approche puis celui de la restitution. C’est une présence-absence le temps de s’y faire. On s’abandonne pour se donner ailleurs entier(e). S’investir. Cette résidence est à la fois l’occasion d’aller vers une population qui méconnait la cuisine de l’écrivain, ses trucs, ses montées d’adrénaline, ses doutes… mais qui a des choses indéniables à raconter, autour d’une cuisine, la sienne. Sa cuisine des moments de vie. Un échange d’eux qui se demandent. Des regards comme alliés. Car ce qui est étranger à un mode, à une coutume, à un modèle ou une réalité peut devenir une alliance, une résonnance, une main tendue.
Il y a mes livres, mon écriture et un challenge, comment faire passer à des personnes – jeunes femmes et jeunes hommes – qui en sont éloignés. Premièrement parce qu’ils ne me connaissent pas, deuxièmement parce qu’ils ne lisent pas de théâtre. Ces hommes et femmes avec qui je discute sont de toutes origines et de toutes nationalités et à la fois font partie d’un même groupe. Le temps de la résidence, je les amènerai à l’endroit où ils seront ensemble des hommes et des femmes avec des secrets à dévoiler, ceux qu’ils veulent bien dire, dévoiler, arranger peut-être, transformer, aussi.
Dire leur vie à une étrangère qui est une oreille attentive et le témoin de ceux, celles qu’ils, elles veulent bien être. Ils, elles seront en devenir.
Au-delà des livres, des textes, il y a des personnages qui naîtront sans doute grâce à eux, elles.
On ne peut rester fermer à l’environnement sans en être atteint, ou imprégné, qui que nous soyons.